Ce livre est issu d’une réflexion constante au sujet de la dimension religieuse au XVIIe siècle, du rôle de la théologie dans la formation des concepts philosophiques modernes et de la part du spirituel dans la littérature européenne de cette époque. Pour les individus de cette époque, penser signifie se mouvoir dans l’univers des idées. La progression dans cet univers a des propriétés radicalement différentes de la progression dans l’univers de la vie, c’est-à-dire de la temporalité vécue. L’un des critères les plus manifestes est le fait que, à l’intérieur de l’univers des idées on peut à tout moment revenir en arrière, alors que dans le régime temporel de l’univers extérieur on est toujours situé. Une autre propriété qui distingue le régime des idées est le fait que commencer à penser signifie d’abord, pour certains philosophes du moins, jeter les bases d’un nouveau mode de comprendre le monde, dont la différence par rapport aux autres modes s’affirme dès l’origine. L’univers des idées, pour autant que nous l’entreprenons de manière différente, est ce qui nous distingue parmi nos semblables. Dans cette perspective, commencer à penser veut dire commencer à être, où, par un raccourci qui n’enlève rien à l’idée, être soi-même.
Vlad Alexandrescu : Croisées de la modernité. Hypostases de l’esprit et de l’individu au XVIIe siècle
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