Jamais on ne s’est tant revendiqué de la République. Même ceux qui l’ont toujours combattue prétendent désormais vouloir relever son étendard tombé à terre.
On pourrait se satisfaire d’un si bel hommage du vice à la vertu. Mais ce serait s’illusionner et faire preuve d’un optimisme naïf. Car si ce retour en force de la République est l’expression, sans doute, d’un besoin légitime face aux pathologies du modèle libéral et à l’effondrement du rêve communiste, il est d’abord le résultat d’une formidable escroquerie historique et intellectuelle.
Le républicanisme qui sert aujourd’hui de drapeau aux forces les plus réactionnaires n’a plus rien à voir avec la doctrine républicaine. Il en prend même souvent l’exact contrepied et, sous son couvert, continue de la combattre.
Mais si on a pu en arriver là, si l’extrême droite française peut récupérer sans vergogne le vocabulaire républicain, par exemple les mots de «laïcité» ou de «patriotisme», c’est qu’un certain nombre de prétendus républicains, de gauche comme de droite, lui ont préparé le terrain en faisant du républicanisme une idéologie identitaire, nationaliste, intolérante, antireligieuse, antidémocratique et antilibérale.
La confusion politique à laquelle nous assistons a été précédée d’une confusion intellectuelle qui a conjugué le mépris des faits à l’ignorance des textes.
C’est pourquoi Vincent Peillon propose ici de contester les thèses qui ont permis cet abaissement, ainsi que les équivoques et les dérives du débat actuel. Il restitue ainsi à la philosophie républicaine son vrai visage.