Depuis l’époque de Descartes, un nouveau personnage occupe la scène philosophique : le moi, tandis que s’éclipsent d’autres personnages qui eurent leurs heures de gloire – tels l’intellect agent et l’âme. D’où sort-il?
Par une intéressante alchimie, les philosophes ont tiré de notre usage ordinaire d’un pronom («moi») un être philosophal pur («le moi»). Au terme de quelles aventures conceptuelles le moi se trouve-t-il à la fois à la troisième personne (pour qu’on puisse dire «le moi») et à la première (puisque toute l’idée est d’expliquer ce qui fait que je suis moi)? Tire-t-on le sens des mots «toi», «lui», «elle» de notre usage du mot «moi»? Loin que l’on puisse dériver la diversité des personnes d’un rapport à soi dont le pronom «je» serait le seul instrument, c’est au contraire la première personne qui tire son sens et ses traits originaux de sa position au sein du système personnel.
Autant de questions grâce auxquelles Vincent Descombes, avec cet air de rien qui est sa marque de fabrique, montre nos incohérences philosophiques et égotistes!