Dans son Discours de la servitude volontaire, Étienne de La Boétie part d’un paradoxe : la soumission des dominés est extorquée de bien des manières, mais elle repose pour une large part sur le consentement de ceux qui en sont les victimes. En s’appuyant sur le contexte intellectuel du Discours et sur les sources qu’il mobilise, ce livre propose de mettre en rapport ce paradoxe avec la problématique de la souffrance psychique d’origine sociale, d’une souffrance qui se manifeste d’abord par son impact sur le sentiment d’identité, par l’altération du jugement moral, mais également par une insensibilisation qui dépossède le sujet de son propre corps et de sa vie. Empêché de communiquer et même de penser, le sujet est également rendu incapable de percevoir et de sentir la douleur associée à la situation dans laquelle il est engagé. C’est à cette forme de désorganisation identitaire que renvoie La Boétie lorsqu’il fait de la coutume et de l’accoutumance la principale raison de la servitude volontaire. On aurait ainsi affaire à une relation addictive à l’autorité d’un tyran cynique et malveillant. Ces relations de servitude n’ont rien d’exceptionnel : leurs effets s’observent « en tout pays, par tous les hommes, tous les jours », et éclairent, aujourd’hui autant qu’hier, bien des situations familiales, professionnelles et sociales.