Les Disputes métaphysiques XXVIII et XXIX de F. Suarez (1548-1617) par la distinction qu’elles effectuent entre l’ordre du fini et de l’infini, constituent dans la période de la seconde scolastique, un moment charnière dans l’exposition systématique de l’objet et de la finalité de l’ontologie. Il s’agit de mener à son terme le projet de cette dernière, à savoir la représentation universelle et abstraite de l’étant au moyen de sa détermination conceptuelle, tout en préservant la pertinence de la relation établie par la théologie entre deux dénominations d’étant : d’une part, celle attribuée à la créature et, d’autre part, celle attribuée au Créateur.
Car si entre Dieu, étant infini, et ce qui n’est pas Dieu, l’écart est infini, comment maintenir l’unité de la métaphysique tout en rendant compte de la spécificité de la communauté d’être entre le créé et le Créateur ? Il semble impossible d’échapper à l’inscription de la pensée de l’étant dans l’alternative de l’équivocité ou de l’univocité. Soit l’équivocité de l’étant mine la légitimité de la différence fondatrice entre le fini et l’infini, soit l’univocité de l’étant confronte à la menace de rendre incompréhensibles les limites du rapport de ressemblance de la créature à Dieu.
L’examen historico-critique de la question de l’analogie de l’étant chez Suárez est précisément destiné à créer les conditions d’un dépassement des apories suscitées par la communauté d’être entre le Créateur et le créé. Tel est le pari suarézien : faire de son ontologie la condition de l’accomplissement et de la production de l’intelligibilité de sa théologie naturelle, et concevoir la théologie révélée comme ce qui, dans son dessein, renvoie la compréhension transcendantale de l’étant à ses propres limites.