Spinoza : Oeuvres complètes

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À Jacqueline, Monique et Marie-Cécile

 

En septembre 2022 est paru le nouveau volume des œuvres complètes de Baruch Spinoza (1632 – 1677), ce philosophe juif, néerlandais d’origine portugaise, qui marqua l’entrée de la philosophie dans l’ère moderne, sous la direction de Bernard Pautrat, son traducteur de référence.

 

Ce volume contient des nouveautés importantes, qui contribuent grandement à une meilleure connaissance de Spinoza.

En premier lieu, l’introduction de Bernard Pautrat éclaire l’oeuvre et le parcours de Spinoza, dans sa dimension existentielle. Il s’agit d’une enquête sur la quête. Car si Spinoza pense, c’est pour « sauver sa peau », comme l’écrit Bernard Pautrat. Le style familier de l’expression souligne l’urgence pour Spinoza d’entreprendre une voie nouvelle, la voie du salut. Il ne s’agit rien moins que d’éviter le suicide, « de vivre, et de vivre bien. » La philosophie n’est pas seulement l’activité qui consiste à produire des concepts, elle est une manière de vivre, comme l’écrivait Pierre Hadot.

Tout commence par le Traité de l’Amendement de l’Intellect (appelé à tort auparavant Traité de la Réforme de l’Entendement). Le jeune Spinoza y confie sa dépression, à l’instar de Bouddha : tout est vain, honneur, argent, sexe. Tout cela passe. Il faut donc trouver un objet d’amour adéquat, « un vrai bien », afin de jouir « d’une joie continuelle et suprême pour l’éternité. » Bernard Pautrat d’écrire : «   On voit le problème, et l’ambition du projet. » Aux grands maux, le grand remède. Or, Spinoza échoue dans son entreprise, puisque le manuscrit s’achève par une aporie. Le reste manque.

Deuxième tentative contemporaine, le Court Traité. Spinoza y distingue quatre genres de connaissance, dont seuls les troisième et quatrième mènent au « bien être de l’homme parfait » . Il s’agit, par l’exercice de la Raison, de tout rapporter à Dieu, de s’en faire l’esclave. Car l’homme n’est jamais libre, déterminé par une multiplicité de causes qui le déterminent. Arrivé à la libération, il s’assujettit à la libre nécessité de Dieu. L’un des thèmes principaux de la philosophie de Spinoza est ainsi mis en place : l’absence de liberté humaine. La Raison « nous conduit aussi à tout attribuer à Dieu, à n’aimer que lui parce qu’il est magnifique et le plus parfait ». Il convient d’atteindre la félicité, qui se nommera béatitude dans l’Ethique. Ce qui manque au Court Traité, c’est la méthode. Spinoza s’y exerce dans les Principes de la philosophie de Descartes, exposés de manière  géométrique.

Mais c’est l’Ethique qui observera cette méthode, car l’Ethique, à la manière des Elements d’Euclide, ou de ceux de Proclus, est démontrée selon l’ordre de la géométrie. Il est dit « ordre », et non pas manière. L’impérativité du terme manifeste la force de la nécessité démonstrative, cette main de fer dans un gant de velours. En 1665, Spinoza a trente-deux ans. Il a déjà écrit l’avant-projet de l’Ethique en trois parties, alors que l’Ethique finale en comptera cinq. Contrairement à Descartes, Spinoza y développe l’idée de l’unité de la substance, autrement dit Dieu, qui s’exprime selon deux attributs, le Corps et l’Esprit, dans lesquels se trouvent les manières, c’est-à-dire tous les corps déterminés. Or, cela est révolutionnaire et dangereux à l’époque. Récupérer la matière en Dieu, c’est contrevenir à toute la théologie. Et cela peut mener au bûcher. Pourtant cette position est comparable à celle du zen, pour lequel la matière est aussi l’expression de la Nature. Aussi Spinoza n’est – il pas incroyant, et il s’en défend hardiment face à ceux qui voient en lui un athée menaçant.

Justement. En 1670 paraît le Traité théologico-politique. Spinoza a trente-huit ans. Spinoza va s’« attaquer à la superstition ». Il ne s’agit rien moins que de dénoncer « comme purement superstitieux et fictifs les fondements des grandes religions monothéistes ».En 1674, « le tribunal de Hollande interdira » purement et simplement l’ouvrage. Le but de Spinoza, la béatitude, se poursuit. Il s’attaque à ceux qui s’opposent à sa réalisation.

En 1675, Spinoza a quarante-trois ans. L’Ethique, le chef-d’oeuvre de Spinoza est prêt. Mais le philosophe s’abstient de le publier, craignant un déferlement de haine comparable à celui qu’avait déclenché le Traité théologico-politique. L’ordre géométrique le régit. Il s’agit de suivre pas à pas, avec rigueur, lentement, le développement mathématique de la vérité rationnelle. Cette vérité est celle de Dieu, dans la première partie. Un Dieu non anthropomorphique, qui ne veut rien, qui n’est personne, car il est tout, absolument tout. La substance, unique, rien que la substance, toute la substance. L’homme y est chose parmi les choses, affecté par la passion et la haine, mu par des causes qu’il ignore, aveuglé par l’illusion de la volonté. Servitude de l’homme, développée dans les paries II à IV de l’Ethique. Tout est résumé par les cinq remèdes du scolie de la proposition 20 de la Ve partie : « se défaire du regret,  du repentir, en finir avec la haine, mais aussi bien avec l’amour quand il est une joie mauvaise, avec l’espérance et la crainte, avec le mépris mais aussi bien avec l’estime, et même la pitié… » Vivre dans le vide du moment présent, par la maîtrise arriver à la désappropriation, au détachement, cette Gelassenheit  qu’évoque Maître Eckhart. Et concrètement, « vaincre la Haine par l’Amour ou Générosité » (scolie de la proposition 10 de la Ve partie). Le tout avec fermeté d’âme.

Fermeté et générosité, car tout est substance, telle pourrait être la maxime de l’Ethique. Vient alors la cinquième partie, le but de toute  une vie, la béatitude. Celle qui provient de l’« Amour intellectuel de Dieu », celle qui est praeclara, auprès de la lumière. Car il existe au-delà du mental, discipliné et vidé, une partie de l’Esprit en soi, qui est l’Essence du Corps. Et cette partie lumineuse est partie de l’entendement divin. Et elle est éternelle. L’acquiescence mène à la libération et au repos intérieurs. Une véritable « libération ». On voit là-aussi le scandale pour l’époque : Dieu est à dieu ce que dieu est à Dieu. « L’oeil de la raison a ouvert celui de la pure acquiescence. »La divinification de l’homme, à l’instar du Christ, est possible, même si elle n’est pas absolue tant qu’existe le corps. Un quiétisme laïc, qui fait écho au quiétisme de Fénelon et de Madame Guyon, eux aussi condamnés par l’Église.

L’éthique unit intérieurement. Mais il faut aussi procéder à l’union extérieure, par l’instauration de la concorde générale. Ce sera l’objet du Traité politique. Il y est fait en sorte que « les puissances du pouvoir et de la multitude soient effectivement en équilibre ». « Le communisme de la raison menant à une « béatitude politique », en quelque sorte. » Spinoza y propose l’établissement des règles de l’imperium. Malheureusement, Spinoza meurt avant d’examiner la démocratie. Mais on peut inférer que Spinoza était un démocrate avant l’heure.

Ainsi s’achève l’enquête sur la quête, qui suit la méthode biographique chère à Nietzsche. Spinoza fut un libéré vivant, à la manière de Bouddha. Un Bouddha occidental, un héritier du Christ. Il convient d’examiner désormais, et par à pas, le contenu du volume.

 

spinoza-3.jpgLa chronologie de la vie de Spinoza, établie par Fabrice Zagury, est exhaustive et permet de replacer la vie de Spinoza dans son époque. Dans sa famille, avec la perte prématurée de la mère, puis du père, et la difficile succession qui s’en suit. Dans sa communauté juive, avec l’expulsion due au herem. Dans la Hollande calviniste, ouverte et tolérante, dans une certaine mesure seulement, en proie à la crise financière et à la peste. Dans l’Europe intellectuelle – Spinoza rencontrera notamment Leibniz, son futur ennemi ; Huygens le cite dans ses lettres. Dans le cercle de ses amis, Jelles, Meyer. C’est tout un univers mental qui se déroule devant nous, un monde en gestation, la naissance de la modernité européenne. Et aussi, la difficile vie de Spinoza, faite de déceptions, de menaces, de frugalité. Jusqu’à l’interdiction de l’édition posthume de l’Ethique, et de la mise à l’index par l’église.

 

Le Traité de l’Amendement de l’Intellect, traduit par Bernard Pautrat, fait l’objet d’une notice dans laquelle ce dernier conclut à l’antériorité du premier par rapport au Court traité. Il insiste sur le début du traité, puisqu’il renferme les seules indications autobiographiques de Spinoza dans son œuvre. Spinoza y « cherche encore sa voie ». Quant à la traduction, elle fait l’objet de notes précises et éclairantes. Prenons par exemple le début du texte. … « je résolus enfin de rechercher s’il y aurait quelque chose qui fût un vrai bien, et qui pût se partager. Le « et sui communicabile » est traduit usuellement « qui pût se rendre communicable ». Bernard Pautrat opte pour le verbe partager, car communicare signifie étymologiquement « mettre en commun », mais aussi « partager ». Partager signifie en même temps « prendre part » et « donner en partage ». Or, ce terme fait nécessairement écho au partage du pain dans la Cène. Le souverain Bien, c’est le pain de la vie que le Christ partage avec ses disciples. On voit  l’enjeu de la traduction, qui fait écho dans un monde fortement imprégné de christianisme. La traduction, dans son ensemble, est rigoureuse et fidèle, et suit au plus  près l’étymologie latine. Elle dialogue avec la traduction de B. Rousset, s’y rangeant le plus souvent, à quelques exceptions.

Dans la notice du Court traité, Catherine Secrétan insiste sur l’intérêt de celui-ci, en ce qu’il constitue « le ‘laboratoire métaphysique’ de Spinoza ». Elle met à jour l’importance du travail de F. Mignini. Elle rappelle que le texte est destiné au cercle des amis de Spinoza. Elle insiste sur l’essentiel du contenu : « unité de la substance (Dieu/ Nature), causalité immanente et non transcendante, critique de la thèse créationniste (chap. II), absolue nécessité des lois de la Nature (chap.VI), relativité des notions de bien et de mal (chap. X). » La traduction montre le choix du mot « âme », ziel, qui correspond au latin mens. Or, le mot mens sera dans tous les autres textes de Spinoza traduit par « esprit ». On voit l’enjeu : Spinoza, en réalité, nous parle du mental, de la raison raisonnante, productrice de discours, sujette à la mémoire et aux affects. Verstand lui, correspond à intellectus, l’intellect. Ne faut – il pas comprendre l’intellect comme la plus haute partie du mental, sa part lumineuse ? On apprend avec intérêt que Spinoza ne connut pas directement Thomas d’Aquin. On voit aussi que Spinoza considère encore Dieu comme un Etre, et non comme une substance. Est soulignée aussi l’hésitation entre une division tripartite et quadripartite de la connaissance. L’éthique aboutira à la division tripartite. Les nuances du terme acquiescientia renvoient à la tranquillité de l’âme et au sentiment de sécurité. On voit le rapprochement possible avec la quiétude de Fénelon. On apprend aussi que Spinoza n’avait qu’une connaissance indirecte d’Aristote.

La notice des Principes de la philosophie de Descartes et des Pensées métaphysiques, établi par Frédéric de Buzon et Denis Kambouchner,  rappelle que le système de Descartes y est exposé more geometrico, et non pas ordine geometrico, comme le sera l’Ethique. On voit bien que le rapport à la géométrie se renforce dans l’Ethique. La notice résume les Principes et les Pensées métaphysiques. Nous souscrivons pleinement à la traduction du verbe intelligere. Il ne s’agit nullement du verbe entendre, au simple sens scolastique de la définition. Mais bien de « avoir l’intelligence de », c’est-à-dire percevoir selon l’intellect, voir selon l’intellect. Nous y reviendrons. La traduction insiste sur l’incompréhensibilité de l’infini, comme fondement de la pensée de Descartes. Cette incompréhensibilité fait l’objet d’un déplacement chez Spinoza. Nous comprenons l’infinité des modes selon l’infinité des modes des deux attributs, la pensée et le corps. Mais nous ne pouvons comprendre l’infinité des attributs, qui font que Dieu est absolument infini. Nous reviendrons aussi. Les traducteurs insistent justement sur la définition de l’étant dans le chapitre I de la partie I des Pensées métaphysiques. On rapprochera de la définition de l’Ens chez Spinoza au début de l’Ethique : nous y reviendrons. Ils insistent sur le fait que la vision béatifique n’est pas accessible à l’homme de son vivant pour Thomas d’Aquin. Cela montre l’opposition avec la position de l’Ethique. La vision du troisième genre de connaissance, qui porte sur les étants, y est pleinement effective. Toute l’Ethique se retrouve donc en creux, par voie d’opposition terme à terme.

 

La notice du Traité théologico-politique rappelle que le texte est le seul publié du vivant de Spinoza, avec les Principes et les Pensées métaphysiques. Le contexte est donné : développement de l’hérésie sabbatéenne, essor du messianisme et du millénarisme, débats de la Réforme et de la Contre-Réforme, menaces pesant sur le régime libéral des frères de Witt. La liberté de penser est partout menacée. Pour Spinoza, la liberté de penser et d’expression est « indispensable » à la piété et à la paix civile. Spinoza, dans sa quête de l’Absolu, a besoin de la concorde extérieure. Faire la paix est le versant extérieur de l’unité intérieure. Spinoza s’attelle dans le Traité à trois tâches : combattre les préjugés des théologiens afin de rendre la philosophie possible, combattre l’accusation d’athéisme, supprimer le pouvoir des prédicateurs qui empêche la philosophie de se développer. Il faut « dissocier radicalement philosophie et théologie. » La théologie enseigne l’obéissance à Dieu, l’observance de la justice et de la charité ; la philosophie « est la conquête libre de la vérité par les yeux de l’esprit. » Il s’agit d’opérer un retour à la vérité de la religion, qui consiste en cette seule maxime mosaïque : Aime ton prochain comme toi-même, car je suis l’Eternel. Spinoza se défend en outre contre l’accusation d’athéisme, puisqu’il la révélation est une « connaissance certaine » de Dieu. Le Christ est la bouche de Dieu. Comment comprendre ce terme ? Aux deux sens du terme. Le premier est l’organe qui prononce la Vérité éternelle de Dieu, qui est son Amour intellectuel. Le second est la réalisation pleine et entière de la connexion à l’éternité que constitue le quelque chose d’éternel de la Ve partie de l’Ethique à partir de la proposition 23. Spinoza croit en le Christ, il croit en Moïse. Mais il croit selon l’ordre de la Raison, du Logos éternel. Le sage voit la substance avec les yeux de l’Esprit, le commun obéit aux préceptes de justice et de charité. Et il «revient au politique de donner à la charité et à la justice leurs objets. » Dan Arbib ajoute un très utile paragraphe sur la réception du Traité. Le Tractatus déplaît à tous. Le Tractatus est interdit en 1674. Il reste dans notre monde, essentiel, car il évite toute lecture littérale des textes sacrés, protège contre l’intégrisme, et prône une lecture contextualiste. L’épigraphe du Tractatus est essentiel, et annoté par Dan Arbib : Jean épître I, chapitre IV, V.13 : « Par là nous connaissons que nous demeurons en Dieu, et que Dieu demeure en nous, parce qu’il nous a donné de son Esprit. » Si nous demeurons en Dieu, c’est en tant qu’étant dans l’Ens divin . Si Dieu demeure en nous, c’est parce que nous avons d’une part le mental producteur de discours, et d’autre part cette connexion à l’éternité qui nous relie à lui. Comment faire l’usage de Raison en matière théologique ? Dan Arbib note justement que le Tractatus est un « traité de l’admiration ». Pour Spinoza, le Christ n’est pas une voie du salut, mais la voie du salut. Dan Arbib éclaircit le texte en montrant les passages de la Bible cités, et les passerelles avec l’Ethique ; notamment le concept d’acquiescentia fait l’objet d’une note particulière, en la rapprochant avec l’Ethique. L’acquiescence est un néologisme désignant tout à la fois la satisfaction de soi et le repos de l’esprit qui caractérisent le troisième genre de connaissance à la fin de l’Ethique. Le troisième genre de connaissance est effectivement un quiétisme.

 

L’Ethique de Spinoza est composée de cinq parties. L’Ethique connaît son état définitif en 1675. Spinoza a quarante-trois ans. Dans la notice, Bernard Pautrat précise qu’il  s’en tient dans les notes aux questions de traduction. « On n’annote  pas un traité de mathématiques. » L’Ethique se joue au mot près, comme nous le verrons. Une très utile et longue partie de la notice est consacrée à la réception de l’Ethique. Aux réfutations nombreuses du XVIIe siècle (et notamment celles de Fénelon et de Leibniz), succèdent les apologies du XVIIIe, dans lesquelles l’Ethique est qualifiée – à tort – de panthéisme, de matérialisme, d’athéisme. L’Aufklärung allemande voit surgir la figure de Lessing, qui confie qu’il est spinoziste. « En kaî Pan [Un et Tout] ! Je ne sais rien d’autre. ». S’ensuit  « la fameuse « querelle du panthéisme ». Fichte et Schelling, influencés par la doctrine de la substance unique, lui donnent le nom d’Absolu. Nouvel « essor de la pensée métaphysique », étrangère au spinozisme. On sait, au XIXe siècle, l’influence de Spinoza sur la pensée de Hegel. Pour lui, « Toutes les choses finies ne sont que des négations de l’infini », qui seul existe. » La rencontre de Nietzsche avec Spinoza est celle d’ « un coup de foudre ». Cette passion se mue en haine, comme toute passion, dirait Spinoza : « l’Ethique ne reste qu’un ‘cliquetis de mots’. » Pour Einstein et Freud, la philosophie de Spinoza devient la référence. Deleuze rappelle utilement que la philosophie de Spinoza est une éthique, c’est-à-dire une « philosophie pratique ». Cette partie de la notice est tout à la fois extrêmement concentrée et riche. Dans la première partie de l’Ethique, les définitions sont marquées par la répétition des termes intelligo. Bernard Pautrat traduit assez classiquement le terme par « j’entends », conformément à la vulgate scolastique. Or, pour nous, il s’agit d’une litote. Il faut prendre intelligo au pied de la lettre : j’intellige, je perçois selon l’Amour intellectuel de Dieu.  Bernard Pautrat traduit le ‘ens’ de la 5e définition par le terme ‘étant’. C’est rappeler que la substance est la somme des étants dans l’Ethique. Notre monde, sous les deux attributs de la pensée et de l’étendue, n’est autre que la somme des choses et des personnes singulières. Pourtant, Spinoza introduit immédiatement l’expression « absolument infini », qui constitue une inflexion à cette étance. Dieu s’exprime d’ « une infinité d’attributs ». Or, précisément, le terme absolument, l’idée d’absolu, signifie la transcendance inexprimable de Dieu. Spinoza le répète au scolie de la proposition 10, à la proposition 13, au corollaire 1 de la proposition 14. Cette récurrence est notable. Nous souscrivons à la thèse de Rama Kanta Tripathi, qui dans « Spinoza in the light of the Vedanta » adopte le concept d’absolutisme pour qualifier la philosophie de Spinoza.  Cet absolutisme n’est ni un monisme matérialiste, ni un monisme spiritualiste. C’est un absolu de l’énergie, de la puissance (proposition 34). On voit bien par là l’originalité et le caractère décisif de la philosophie spinoziste. Certes, la substance est immanente. Mais elle coule dans l’infinité absolue des attributs, comme l’eau de la Vie du Christ. Et c’est pourquoi Spinoza n’est nullement athée. Dieu coule, et sous lui, les attributs tombent, et les manières des attributs aussi. Bernard Pautrat traduit justement le mot modus par manière, et non pas par mode. Cela doit être rapproché des choses singulières, de la singularité des manières. Plus nous connaissons Dieu singulièrement, plus nous connaissons les manières de s’exprimer de Dieu. Bernard Pautrat, dans la note 33 afférente à la proposition 30 de la partie III, revient longuement et à juste titre sur le concept d’acquiescientia. Rappelons que la Joie est « une passion par laquelle l’Esprit passe à une plus grande perfection ». (scolie de la proposition 11 de la partie III). Une passion. L’Amour est « une Joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure ». (scolie de la proposition 13 de la partie III). Au contraire, l’Acquiescence est la « Joie qu’accompagne l’idée d’une cause intérieure ». Or, quelle est cette cause intérieure, sinon l’aliquid de la proposition 23 de la partie V, le « quelque chose d’éternel » ? L’Acquiescence est un lâcher prise du mental qu’accompagne le détachement au sens eckhartien du terme. L’idée de Dieu est la cause intérieure de l’Acquiescence, et elle éternelle. (proposition 32 de la partie V, et sa démonstration). Nous comprenons que Dieu est éternel, et c’est cela l’Amour intellectuel de Dieu. Intellectuel, qui renvoie à l’intelligo des définitions de la partie I. Acquiescientia est en même temps un accord à ce qui advient à l’extérieur, et le repos du mental à l’intérieur de soi. D’où la traduction de l’Acquiescienta en acquiescence. Ce terme apparaît en toute fin de l’Ethique, ce qui souligne son importance. (On pourrait regretter que le terme praeclara, dernier mot de l’Ethique, soit traduit par Bernard Pautrat de « remarquable ». Praeclara se traduit littéralement par pour la clarté, à côté de la clarté. Car il s’agit bien de la lumière pour la lumière de la Raison. Nous sommes une lumière dans la Lumière de la Nature.) Dans le scolie de la proposition 59 de la partie III apparaît le mot « Force d’âme », Fortitudo divisé en « Fermeté et Générosité ». Animositas est traduit par « Fermeté ». Or le Gaffiot donne « ardeur, énergie ». Nous penchons pour le terme d’énergie, car la vertu personnelle est l’expression de l’énergie éternelle de la substance. Dans la note 14 de la partie V, Bernard Pautrat attire notre attention sur le renversement de l’expression sub specie aeternitatis, qui devient sub aeternitatis specie.  Cela se trouve dans le scolie de la proposition 23. L’importance de l’inversion est grande. Elle renvoie à la singularité de l’éternité, qui sera reprise par la proposition 24 : « Plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons Dieu. » Bernard Pautrat souligne aussi la dimension existentielle de l’Amour intellectuel de Dieu, dans la note 16 au corollaire de la proposition 34 de la partie V : « De là suit qu’aucun Amour, à part l’Amour intellectuel, n’est éternel. » Et le scolie en est la preuve : en Spinoza, mémoire et entendement sont vides, ce qui attire par effet d’aspiration l’Amour éternel de Dieu, comme l’écrit en substance Maître Eckhart. Très importante est la note 19. Les manières de penser éternelles de Dieu « se limitent entre elles, jusqu’à composer à elles toutes,  l’intellect infini de Dieu ». Autrement dit, Dieu est la somme des intellects humains, du plus faible, au sens du premier genre de connaissance, au plus fort, au sens du troisième. Dieu est aussi débile, ce qui laisse songeur.

 

Le Traité politique fait lui aussi l’objet d’une notice établie par Bernard Pautrat. Ce « dernier écrit de Spinoza » montre l’importance que le philosophe porte à la chose commune. Car l’enjeu en est la liberté d’expression et de pensée, à l’instar du Traité théologico-politique. Le « Traité politique est la suite logique de l’Ethique ». L’Ethique permet d’accéder à la sagesse individuelle. Mais les hommes ne sont pas tous des anges, loin s’en faut. Pour assurer la concorde, il faut une constitution qui permet d’éviter la tyrannie et de garantir la concorde universelle. Il s’agit de faire en sorte que les hommes « composent à eux tous ‘pour ainsi dire’ un seul corps et un seul esprit » . Une communauté. Si communisme des sages est impossible, le communautisme constitutionnel est nécessaire. Aussi Spinoza s’applique – t – il à l’établissement concret des trois constitutions que sont la monarchie, l’aristocratie et la démocratie. Il meurt avant que de pouvoir établir la démocratie. Car si l’Ethique s’attache à développer la puissance personnelle de chacun, le Traité politique aménage le jeu des puissances collectives. Ciseler l’établissement de l’imperium, du pouvoir, voilà le but du Traité. L’homme ne sort jamais du droit naturel, ce qui met à bas toutes les philosophies du passage de la nature à la culture. Voilà l’audace. Bernard Pautrat s’interdit de traduire le concept d’imperium. La variation de la traduction du terme impose une unique traduction : « le droit qui est défini par la puissance d’une multitude ».

 

La correspondance de Spinoza est reproduite in extenso. Mais commençons par le sceau de Spinoza. Sur la seule lettre à Leibniz est conservée l’intégralité du sceau de Spinoza. Ses dimensions réduites contrastent avec sa grande signification. Spinoza a eu certainement connaissance de la rose de Luther. On peut penser qu’il s’agit d’un sceau sigillaire. On ne l’a jamais retrouvé. Rappelons que le sceau comporte les initiales BDS, une églantine à quatre grosses épines, et l’expression « Caute ». De Spinoza signifie de l’épine, d’où la taille des épines. Spinoza joue sur l’ambiguïté du terme caute, qui signifie en même temps « Sois prudent » et « sagement, prudemment ». Mais pourquoi une églantine ? Ne serait-ce pas une référence à la rose du Sharon, au début du Cantique des Cantiques ? Mais cette rose est sauvage, naturelle, comme l’est la Raison naturelle. Bernard Pautrat attire l’attention sur le S, inversé et sinueux. C’est à notre sens le symbole de l’Amour intellectuel de Dieu.

La notice établie par Bernard Pautrat insiste sur le caractère savant de la correspondance. On ne trouve aucune lettre familière, et on pourra le regretter. La « correspondance publiée a imposé un « certaine idée de Spinoza »,  intellectuel pur consacrant à la philosophie la totalité de son expérience ». « On remarquera qu’aucun des échanges recueillis n’eut lieu à l’initiative de Spinoza. » Spinoza ne demande rien, ne sollicite rien. Ne serait-il pas celui du non-agir cher aux taoïstes ? « Et si on le cherche, philosophiquement parlant, on le trouve ». Bernard Pautrat choisit l’édition des lettres rangée par correspondant, à juste titre. On voit ainsi l’évolution des échanges de lettres. Sans doute, l’intérêt se portera sur la correspondance avec Blyenbergh, sur le bien et le mal. Chaque série de lettres comporte une biographie de l’interlocuteur, qui permet de le citer. Ainsi, Blyenbergh est un courtier en grains calviniste qui s’intéresse à la philosophie contemporaine. Il s’adresse à Spinoza « dans un mélange de curiosité cartésienne et de dogmatisme calviniste », selon la belle expression de Bernard Pautrat. Dans la lettre 21, Spinoza emploie le terme fruor, je jouis, ce qui est la seule occurrence, et au terme degré, qui renvoient tous deux au troisième genre de connaissance. Ce point est capital. Il affirme que Spinoza a bien vécu, et pleinement, le troisième genre de connaissance décrit à la fin de l’Ethique. Nous sommes en 1665. L’a-t-il éprouvé avant ? Rien d’autre, à notre connaissance, ne permet de l’affirmer. Du moins avons-nous là une date a minima. L’intuition de l’intuition de Fabrice Zagury fait remonter la date à l’adolescence. La correspondance avec Jarig Jelles, l’un des très proches de Spinoza, est capitale pour montrer l’absence d’athéisme de Spinoza. La profession de foi chrétienne qu’elle renferme n’est nullement infirmée par ce dernier, ce qui prouve sa validation. Compte tenu de sa longueur, elle n’est reproduite que dans ses passages essentiels. On y trouve l’expression « lumière de la vérité et de la Raison », ce qui est déterminant. La Raison est la lumière naturelle de l’Intellect, du quelque chose d’éternel qui est connecté à l’éternité. Le Verbe, la Grâce, c’est la Raison, c’est-à-dire l’Intellect de Dieu. La Grâce, c’est l’Amour intellectuel de Dieu. On voit en quoi et pourquoi le spinozisme et le christianisme le plus haut s’accordent entièrement, car ils se fondent en et sur la Lumière éternelle. La correspondance avec Leibniz est du plus grand intérêt. C’est le jeune Leibniz, qui n’est âgé que de vingt-cinq ans. Leibniz « sait déjà que Spinoza est l’auteur du Traité théologico-politique. Spinoza refuse de confier ses écrits au philosophe, n’ayant pas assez de foi en lui.

 

Le précis de grammaire hébraïque montre la parfaite connaissance qu’avait Spinoza de l’hébreu. On s’est demandé si elle était philosophique. Elle est seulement technique. Peter Nahon souligne l’extraordinaire floraison de grammaires hébraïques à l’époque. Pourquoi en écrire une autre ? On l’ignore. Peut-être est – elle destinée aux proches. Il permet de revenir au texte de la Torah, dans son exactitude. Une exigence de clarté et de rigueur rationnels. Le Précis reste inachevé, comme le Traité politique. On serait tenté de rapprocher l’étude du Substantif à celle de la substance, remarque pertinemment Peter Nahon. Il n’en est rien.

 

Les appendices renferment de précieux documents. Tout d’abord, l’inventaire des biens après le décès. Rien de superflu. La seule richesse, c’est la bibliothèque. On y apprend que Spinoza aimait jouer aux échecs. Fabrice Zagury note avec utilité que Rinjsburg est proche de Leyde, où se situe une bibliothèque riche, et l’on peut supposer que Spinoza s’y rendait fréquemment. Fabrice Zagury émet l’opinion que «  Spinoza ne fut pas un érudit bibliophile…, mais un penseur autodidacte qui au coeur de son adolescence, aurait compris d’une manière intuitive et lumineuse que « le suprême effort de l’Esprit et sa suprême vertu est de comprendre les choses par le troisième genre de connaissance. » » La citation de la proposition 21 de la partie V est pertinente. La référence à la lumière naturelle de la Raison est discrète mais éclairante. Mais l’adolescence ? Pour Fabrice Zagury, il est vraisemblable que Spinoza vécut l’éclair de la Raison lors de la lecture des œuvres de Descartes lors de son adolescence. Ce qui fait de lui un éveillé précoce. Comment la formuler ? Là est l’enjeu de la philosophie de Spinoza, qui déploie lentement, puis avec fulgurance, la force de la béatitude issue du troisième genre de connaissance.

 

La Préface aux Opera Posthuma de Jarig Jelles est aussi un document capital. Jelles est très proche de Spinoza. Riche négociant en épices, il est l’un des amis les plus anciens du philosophe. « A la suite d’une crise spirituelle », il décide de se consacrer à la philosophie, notamment cartésienne,  et à l’étude des Ecritures. Dans la Préface, seul importe donc le chemin philosophique et spirituel de Spinoza. Jelles commence en soulignant l’importance de la nécessité dans l’oeuvre de Spinoza. Mais le but de la Préface est autre. Il convient de mettre en évidence la compatibilité entre la philosophie de Spinoza et le christianisme. Nous avons vu que l’immanentisme de Spinoza n’est nullement incompatible avec la Bible, malgré la critique des calvinistes et des catholiques. Car Dieu est aussi transcendant, en ce qu’il est absolument infini. La lumière éternelle du Dieu vivant est naturelle. Ne peut-on pas penser au le Dao des taoïstes, qui imprègne la nature.

 

L’Index des matières est des plus utiles. Car il permet une circulation rapide dans l’oeuvre de Spinoza. « Sans doute est-il l’oeuvre de plusieurs. »  Des proches. Prenons ainsi les mots Amour , Amour de Dieu, Amour intellectuel de Dieu. En filigrane, les trois articles soulignent l’élévation à l’oeuvre dans la conversion de l’Amour selon les trois genres de connaissance. L’amour humain est périssable ; l’amour de Dieu est constant .Mais l’Amour intellectuel de Dieu, lui est éternel ; il naît du troisième genre de connaissance ; Dieu s’aime à travers nous de cet amour-là ; rien ne peut le supprimer. On le voit, on va vite, et l’on va intuitivement, aussi vite que le troisième genre de connaissance. Au mot Attribut, on voit qu’il « exprime l’être de la substance ». En ce qui concerne la Béatitude, les auteurs renvoient au chapitre 5 de l’appendice de la partie IV, qui énonce « la béatitude n’est rien d’autre que l’Acquiescence d’âme qui naît de la connaissance intuitive de Dieu », ce qui est aller là encore droit au but. Ce chapitre dit très vite : « l’intellect, autrement dit la raison. » On voit la vitesse de l’enchaînement. Du Désir, on apprend très vite que celui qui naît de la raison ne peut être excessif (proposition 61 de la partie IV), et qu’il est l’essence de l’homme (ibidem, démonstration). Au mot Dieu, il est rappelé que celui-ci est incorporel, ce qui va à l’encontre de la caractérisation de Dieu comme étant un matérialisme. On y apprend très sobrement que le Christ eut une résurrection non selon la chair, mais selon l’esprit. De la substance, il est rappelé que corporelle, elle n’est pas indigne de Dieu.

 

Enfin, le volume s’achève par la vie de Spinoza selon Colerus, pasteur. Bernard Pautrat consacre une longue note à van den Heden, le mentor de Spinoza, libre penseur, et par la bibliographie, complète et volumineuse, établie par Fabrice Zagury.

 

Aussi le volume de la Pléiade est-il un instrument très pratique, aussi pratique que la philosophie de Spinoza. C’est un missel de la raison. La philosophie de Spinoza est tout un système qui invite à unir: s’unir intérieurement, grâce au commun, s’unir extérieurement, grâce à l’instauration de la concorde universelle par l’exercice du courage et de la générosité. La question de la libération n’est pas métaphorique, elle est existentielle. Si Spinoza écrit, c’est pour vivre et sortir de la dépression. Il y a un sujet en tant que singularité. Plus nous connaissons les choses singulières, plus nous connaissons Dieu est-il dit à la fin de l’éthique. C’est en se prenant pour objet (de ses passions notamment, et singulièrement les libidines) que le sujet vide le mental quant à la mémoire et à l’entendement. Le sujet fond, pour que ne subsiste que le quelque chose d’éternel, qui est la part de lumière de la Raison. Cette notion d’union en Dieu est essentielle aux deux sens du terme. Primordiale, car c’est le but que s’est fixé le jeune Spinoza au début du Traité de l’Amendement de l’Intellect ; d’essence, car l’union s’effectue à l’essence du Corps. Ne serait – ce  pas là le Corps d’essence, comme le disent les bouddhistes, ou le Corps mystique du Christ, comme le disent les Chrétiens ? L’amour est en ce sens une force d’union à Dieu, qui est Amour pour Dieu et de Dieu en retour, par une réflexivité en miroir. En ce sens, le quelque chose d’éternel, l’aliquid, ne serait – il pas le miroir au sens de de Cues, de Marguerite Porète ou du bouddhisme zen ? La libération est donc la singularisation de l’universel, ce fond du fond de l’ âme, cet Abgrund dont parle Maître Eckhart. Nous souscrivons dons à la thèse de George Morel, qui décèle des similitudes entre Jean de la Croix et un Spinoza. Rationalisme de la lumière éternelle, la philosophie de Spinoza prône que la Lumière de la Raison est la raison de la lumière. C’est pourquoi Spinoza fut « le plus mystique des philosophes de l’Occident » (George Morel, Le Sens de l’existence selon saint Jean de la Croix, t. I, Paris, Aubier, 1960, p. 22).

Il le fut pour quatre raisons. Comme dans le zen de Dôgen, il y a « interaction fondamentale entre le Tout et les parties ». (Yoko Orimo, Commentaire du Shôbôgenzo, p.390). Or, la compénétration de la manière et de l’attribut dans la substance marque la philosophie de Spinoza. De plus, comme chez Maître Eckhart, la béatitude repose sur « quelque chose d’où fluent la connaissance et l’amour … ce « quelque chose » jouit de lui-même selon le mode de Dieu » (cité par Jacqueline Chambron, in Les Voies de la mystique, article « Les trois voies et la non voie à la lumière de Maître Eckhart », p. 274). Or, le quelque chose d’éternel de la fin de l’Ethique renvoie de même à la béatitude. En outre, la béatitude de fruition tient, elle, à l’effacement de toute voie et à l’écoulement des Personnes dans l’unique Essence divine. » (Jacqueline Chambron, ibidem, p. 276). N’est-on pas renvoyé directement au fruor, au je jouis, de Spinoza ? Enfin, le libéré vivant, « qu’il marche, mange ou s’adonne à ses occupations, savoure un nectar d’immortalité ; il n’est rien qui soit distinct de lui, tout est du substrat de la plénitude indifférenciée. » (Abhinavagupta, Paramârsthasâra, p.54, cité in Jacqueline Chambron, ibidem, p. 278.) Or, la substance est indifférenciée dans l’Ethique, car indivisible, et le sage y mène la vie commune, comme le fit Spinoza. « Le panthéisme n’est vrai que pour les saints parvenus à l’état de perfection » (Simone Weil, Carnets d’Amérique). En ce sens, comme Socrate, Spinoza fut un génie du coeur.

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