Une critique récurrente des sciences économiques concerne les présupposés politiques ou éthiques qu’elles sont susceptibles de charrier. Or, il existe aussi des questions économiques sans réponse satisfaisante, non à cause de tels présupposés, mais en raison de préjugés théoriques et épistémologiques que des économistes partagent quoique appartenant à des écoles de pensée divergentes, voire opposées. Cet ouvrage envisage le rapport entre analyse positive des faits socio-économiques et analyse normative des évaluations et prescriptions (sociales, économiques, politiques). Il questionne un point aveugle commun à des penseurs parfois très différents, à savoir leur volonté de résoudre des désaccords quant aux moyens et aux fins, aux actions et aux idéaux sur les institutions publiques non par un progrès de l’économie normative (l’étude scientifique des évaluations et prescriptions normatives) mais par des avancées d’économie positive (analyse des faits dont la science propose la description).
Cet ouvrage examine ce présupposé de manière critique chez trois grandes figures de l’histoire de la pensée économique : Karl Marx, Ludwig von Mises et Milton Friedman, qui ont minoré l’étude scientifique des normes en économie. Contre ce pessimisme touchant l’économie normative, attitude qui peine à se justifier et nuit aux positions économiques, politiques et éthiques de ces auteurs mêmes, l’on plaide ici, à partir des méthodologies de John Neville Keynes et de Karl Popper, pour mieux articuler l’économie positive et l’économie normative. C’est à la fois en connaissant mieux l’état positif des problèmes sociaux et en formulant des cadres théoriques pour comparer et critiquer diverses solutions normatives proposées à ces problèmes que des réponses inventives pourront surgir.