« Qu’est-ce que vous faites ? Rien du tout. Je laisse la vie pleuvoir sur moi. » (Rahel Varnhagen) Écrite après sa rencontre avec Heidegger au début des années 1930, publiée seulement en 1958, voici la biographie sensible que Hannah Arendt consacre à Rahel Varnhagen (1771-1833), cette jeune femme juive ni riche, ni cultivée, ni belle, mais à l’intelligence extraordinaire, qui tint à Berlin un salon où se côtoyèrent tous les intellectuels de renom (Hegel, Heine, Humboldt, etc.). Rahel ne put s’intégrer à la société de son époque qu’en renonçant à sa judaïté, en changeant de nom et en se faisant baptiser. Mais peut-on être autrement qu’on est ? À travers le destin de Rahel, qui cherchait comme tant d’autres un bout de bonheur, Hannah Arendt livre une réflexion moderne sur les ambiguïtés de tout discours sur l’assimilation d’une minorité par une société. « Pas de doute, lui écrira Karl Jaspers : ce texte est émouvant et important. Comme si Rahel était le prétexte de quelque chose de tout différent. »