Chacun des textes qui forment ces « Divertissements pascaliens » traite d’une question distincte : la justice, le droit et la politique, la raison, le premier principe, la figure du corps, le moi, le cœur, le divertissement, l’unité et la diversité. Cela forme un faisceau de directions différentes et non un enchaînement de parties qui s’ajoutent les unes aux autres. Cette disposition est conforme à l’esprit pascalien, plus synthétique qu’analytique, plus attentif à saisir les différences entre les choses, les domaines, les êtres, qu’à chercher à relier toutes les choses au sein d’un système qui montrerait l’unité du tout. Le style pascalien, dans la forme comme dans le fond, consiste à passer sans trop s’y attarder d’une question à une autre et à multiplier ainsi les angles d’attaque des problèmes qu’il semble rencontrer sur sa route plus que sortir de son esprit. Ce style est un « art de la digression ». Il consiste à propos de toute chose, de la plus légère à la plus grave, à avoir toujours en tête la question de son sens, à ne jamais perdre de vue son sujet. Pascal nous force à poser les problèmes les plus profonds maintenant, sans différer car ils sont urgents et touchent à la vie de chacun de nous. Ce n’est pas pour l’éternité qu’il faut penser, c’est dans l’urgence du présent qu’il faut se décider à apporter une réponse aux questions qui touchent autant le cœur que l’esprit.
Auteur :
Pierre Guénancia est professeur d’histoire de la philosophie moderne à l’université de Bourgogne. Spécialiste de la pensée classique, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur Descartes (notamment « Lire Descartes », Folio essais, 2000) et d’essais philosophiques sur la représentation ( « Le regard de la pensée », PUF, 2009), sur l’identité, et prochainement sur le cosmopolitisme.