Une idée voudrait aujourd’hui dominer : que les hommes, c’est-à-dire des individus, sont d’abord les membres d’un tout – État, parti, nation, ethnie, peuple, communauté religieuse. Mais, soutient Descartes, un individu n’appartient à personne. Les déterminations qu’il reçoit de l’extérieur – sa race, sa nation, sa religion –, pour importantes qu’elles soient, ne tracent pas un cadre dans lequel il doit nécessairement s’inscrire. À chacun revient la liberté primordiale de s’inclure dans une communauté ou dans un tout, ou de s’en séparer.
Critique des faux dévots, bigots et superstitieux, Descartes, qui voit dans le mélange de la politique et de la religion l’essence de la terreur, réfute d’abord toute division des hommes entre deux catégories (fidèles/infidèles ; amis/ennemis ; citoyens/étrangers). Ensuite, il soutient l’idée qu’un individu peut valoir plus que le reste de sa ville et que c’est à lui de le déterminer : « Et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n’aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. »
Ces deux points d’appui, inséparables et sur lesquels bâtir une politique cartésienne, nous rappellent que c’est le jugement de chacun et non la règle, la consigne, le commandement, qui remplit l’office de la raison dans le domaine des choses humaines, dans le cours des actions et des événements. Serait-ce l’actualité de Descartes ?
DESCARTES ET L’ORDRE POLITIQUE. Critique cartésienne des fondements de la politique [2012]. Nouvelle édition, 406 pages sous couverture illustrée, 125 x 190 mm. Collection Tel (No 391), Gallimard -étu. ISBN 9782070131556.
Parution : 13-09-2012.