« Nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels. » Cette phrase énigmatique n’est peut-être pas solitaire : elle appelle — et suppose pour être comprise — toute une problématique spinoziste de l’expérience, peu aperçue mais régissant des pans entiers du système.
L’expérience, c’est d’abord la clef de l’itinéraire par lequel, au début de la Réforme de l’entendement, le narrateur arrache à la vie commune les raisons de chercher le vrai Bien. C’est ensuite, dans les champs de l’histoire (lieu de la fortune), de la langue (lieu de l’usage), des passions (lieu de l’ingenium), le signe de tout ce qui paraît échapper à la Raison sans pourtant la contredire. C’est enfin la présence, en tout homme, d’une conscience de la nécessité au sein même de la finitude.
Ainsi l’étude de l’expérience permet-elle de voir autrement la Raison elle-même de comprendre, aussi, la constitution du système qui apparaît comme une réflexion sur les formes et les moyens de la rationalité.