Ce numéro s’ouvre par la traduction, par Bruno Langlet et Jean-François Rosecchi, des deuxième et troisième parties du texte de Bertrand Russell intitulé « La théorie des complexes et des assomptions de Meinong » (1904). En partisan du réalisme logique, Russell y analyse les idées de Meinong au tournant du siècle, lesquelles dessinent ce qui sera la théorie de l’objet (Gegenstandstheorie). Il montre le profond accord qui, en cette période, les réunit sur nombre de principes, thèses et arguments. Il présente et analyse, ici, la théorie des assomptions que formule Meinong dans la première édition de Über Annahmen (1902), puis examine le statut de l’objet des actes de pensée.
Dans « Drang et temps. Heidegger et le problème de la métaphysique », Inga Römer propose une interprétation du cours Principes métaphysiques de la logique à partir de Leibniz professé par Heidegger en 1928, centrée sur la lecture heideggérienne de Leibniz à la lumière du programme d’une métaphysique du Dasein en ses deux volets : ontologie fondamentale et métontologie. Elle reconstruit le programme de la métaphysique du Dasein développée par Heidegger dans ce cours, puis interprète l’appropriation heideggérienne de Leibniz à partir de ce programme. Elle développe une critique de la métaphysique du Dasein au regard des considérations métapolitiques de Heidegger en cette période, avant d’aborder la question de l’importance de la conception heideggérienne pour la renaissance actuelle du problème de la métaphysique.
Dans « Un soulèvement du Paraître. De Husserl à Heidegger », Alexandre Lowit retrace le chemin qui conduit de la phénoménologie husserlienne à la phénoménologie heideggérienne. Si Husserl a la conviction fondamentale que dans l’expérience perceptive, la chose même nous est donnée en chair et en os, c’est cependant une illusion : notre regard est en effet toujours précédé et porté par des situations phénoménales, au sein desquelles peut advenir une dégradation de la présence. Il faut donc opérer une discrimination méthodique des diverses situations phénoménales, qui manifeste l’écart qui sépare la situation de présence dégradée qui est celle de la réflexion transcendantale husserlienne, et celle de la présence en chair et en os qui doit provoquer un soulèvement du Paraître. L’auteur est ainsi reconduit vers la pensée tautologique du Heidegger d’après-guerre, et vers l’exigence de penser le site propre à la tautologie : « le Paraître paraît ».
Enfin, dans « Henry critique de Scheler. La critique de Scheler dans L’essence de la manifestation », Thomas Sabourin part de la préoccupation commune à Max Scheler et Michel Henry (la réhabilitation de la personne contre sa mécompréhension objectiviste, et la reconnaissance de l’affectivité comme objet philosophique premier et manifestation immédiate de la subjectivité), avant de souligner leur profonde divergence concernant la nature de ce que révèle l’affectivité : attitude émotionnelle orientée vers le monde pour l’un, expérience non intentionnelle de l’auto-affection pour l’autre. On examine ainsi la critique henrienne de Scheler, avant de montrer que ce dernier élabore une théorie qui respecte davantage la diversité concrète des expériences affectives.
DP
Sommaire
BERTRAND RUSSELL
LA THEORIE DES COMPLEXES ET DES ASSOMPTIONS DE MEINONG (II-III)
Traduit et présenté par bruno Langlet
INGA RÖMER
DRANG ET TEMPS.
HEIDEGGER ET LE PROBLEME DE LA METAPHYSIQUE
ALEXANDRE LOWIT
UN SOULEVEMENT DU PARAITRE.
DE HUSSERL VERS HEIDEGGER
THOMAS SABOURIN
HENRY CRITIQUE DE SCHELER.
LA CRITIQUE DE SCHELER DANS L’ESSENCE DE LA MANIFESTATION
NOTES DE LECTURE