La fin (seule conservée) du livre IV et dernier contenu dans le papyrus d’Herculanum (PHerc.) 1050 et intitulé Sur la mort est un texte épicurien d’une grande importance, composé par Philodème sans doute vers la fin de sa vie, à l’époque où Cicéron, son « familier », rédigeait les Tusculanes. Les références aux écrits d’Épicure et de Métrodore et à leur mode de vie et de pensée en constituent la trame sur laquelle se tisse la récapitulation attentive de tous les motifs et arguments, sources de souci voire de douleur (« piqûres ou morsures bien naturelles »), que le philosophe tient à éliminer peu à peu pour nous aider à nous débarrasser de la peur de mourir. Ni « consolation » ni « divertissement », ni démonstration abstraite, la conclusion du Sur la mort est une ode très personnelle et poétique à la vie agréable et sereine, qui s’offre généreusement à qui s’est rendu capable d’en percevoir l’utilité et la richesse. Dans la « cité sans remparts que nous habitons tous », l’unique secours contre la « folie des insensés », selon Philodème, demeure la philosophie pratiquée entre amis du Jardin.
BIOGRAPHIES CONTRIBUTEURS
Philodème de Gadara
Avant de professer la doctrine d’Épicure en Campanie, Philodème, né vers -110 à Gadara en Syrie, fut un disciple zélé du scholarque du Jardin à Athènes, Zénon de Sidon. Après le sac d’Athènes par Sylla, puis la mort de son maître vénéré (v. -75), il gagna l’Italie et bénéficia bientôt du patronage du futur consul Pison Caesoninus, dont il devint le philosophe attitré. Si Philodème se piquait d’épigrammes spirituelles en grec (seules transmises par la tradition), ses conférences philosophiques savantes étaient pour lui l’occasion privilégiée de transmettre fidèlement l’enseignement d’Épicure auprès des aristocrates philhellènes du golfe de Naples et d’un cercle d’adeptes du Jardin de Campanie, dont il prenait en compte la culture et la psychologie. D’où de nombreux ouvrages consacrés à la rhétorique, à la musique ou à la poésie, à côté de multiples et vastes « commentaires » – moins surprenants de la part d’un Épicurien – où il est question des dieux, de la mort, des choix et des rejets, mais aussi des vices et vertus opposées, du franc-parler ou encore des inférences par signes. Sans l’exploration, menée en 1752-1754 sous une épaisse couche de dépôts volcaniques, de la Bibliothèque (carbonisée) de la Villa des Pisons à Herculanum, et la patience infinie des papyrologues, l’enseignement philosophique de Philodème nous serait resté à jamais inconnu.
Daniel Delattre
Agrégé de Lettres classiques, Daniel Delattre a enseigné en lycée avant d’être recruté au CNRS en 1989. Membre de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT-CNRS UPR 841) depuis 1998 et membre du Bureau du Centro Internazionale per lo Studio dei Papiri Erolanesi (CISPE), il est Directeur de recherches (émérite depuis 2012) et spécialiste reconnu des papyrus carbonisés d’Herculanum. Missionné par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour l’étude des papyrus d’Herculanum de Paris 1 et 2, il a ouvert la série « Philodème de Gadara » de la CUF avec la publication du Sur la musique, livre IV en 2007, suivi de Sur la mort, livre IV en 2022.