Quelle est l’actualité, s’il y en a, de la pensée de Jacques Derrida? Que reste-t-il de la déconstruction derridienne, nom de cette aventure philosophique qui a consisté à démonter toutes les structures de pouvoir qui sont à l’origine de notre monde : raison, langage, souveraineté, subjectivité? Dans quelle mesure cette philosophie, l’une des dernières grandes pensées ayant marqué notre époque, reste-telle en grande partie à découvrir? Cet ouvrage dégage de la philosophie derridienne une interrogation qui aura obsédé le philosophe, celle des liens que nous avons établis avec les animaux. C’est la « question de l’animal », qui pourrait paraître secondaire, qui est ici analysée en profondeur et étroitement reliée à ce qui apparaît comme l’obsession intellectuelle de l’œuvre : qu’est-ce qui nous relie à l’animalité? La frontière entre humanité et animalité a-t-elle encore un sens? D’où vient cette violence ordinaire à l’égard du vivant non humain? La politique n’est-elle pas le triomphe absolu de la violence bestiale? Peut-on déconstruire celle-ci en vue d’inventer des relations plus pacifiques et justes entre les vivants, tous les vivants, humains comme non humains? C’est donc bien à un autre Derrida que ce livre nous invite, penseur pour lequel en définitive l’éthique englobe tous les animaux, au-delà de toute espèce de spécisme.
Patrick Llored est professeur de philosophie à Lyon, membre de l’Institut de recherches philosophiques (IRPHIL) de l’université Jean Moulin Lyon III