Pour les puristes n’existerait qu’une seule et unique façon de pratiquer la philologie : celle, traditionnelle, rigoureuse et parfois austère, de l’étude (multiforme) des textes transmis par l’Antiquité. Ce labeur ne s’embarrasse d’aucun verbiage et se méfie des entreprises de théorisation extérieures à la philologie. Depuis quelques décennies pourtant (sous l’impulsion de Foucault notamment), une orientation parallèle se dessine, qui au terme philologie confère une acception large, plus ou moins gauchie par rapport au sens postulé originel et authentique. Cette tendance est particulièrement vivace aujourd’hui dans le monde anglo-saxon et germanique, à côté de la philologie traditionnelle qui maintient ses pratiques et ses droits. À y regarder de près, cette piste herméneutique (entendue au sens le plus large, parfois fourre-tout) plonge ses racines dans la genèse même de la philologie. Sa généalogie fait apparaître une double tradition : philosophico-poétique (de Platon à Heidegger, de Foucault aux néo-herméneutes d’aujourd’hui) d’une part, exégético-grammaticale de l’autre (avec pour premiers représentants les grammairiens grecs). Si l’une met en avant le sens au croisement de la sémiologie, de la philosophie et de la poésie, autrement dit l’esprit, l’autre privilégie la lettre, donc la matérialité des textes et des mots. Pour les puristes, la première orientation serait une pseudologie (une autre façon de nommer ce que Jacques Bouveresse appelle les « prodiges et vertiges de l’analogie »), la seconde seule étant admise comme orthodoxe et praticable.
Pascale Hummel (dir.) : Pseudologie. Études sur la fausseté dans la langue et dans la pensée
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