La figure de l’« individu », qui a dominé la philosophie et les sciences sociales au cours des trois dernières décennies, semble à bout de souffle. Partout, singuliers et collectifs cherchent à dépasser la simple adaptation au monde fluide imposé par le capitalisme mondialisé et à redevenir les agents de leur propre vie. Au nord comme au sud, un immense désir de « subjectivation » est en train de gagner nos sociétés.
Pourtant, la figure du « sujet » reste confuse. Longtemps identifiée à une entité naturelle, hors de l’histoire, elle pâtit aujourd’hui également des représentations, tout aussi néfastes, qui concluent de l’historicité radicale du sujet à sa relativité éthique et politique, voire à son inexistence.
Ce livre reprend, à la racine, la réflexion sur les relations entre sujet et histoire, en y réintroduisant une tradition oubliée, sinon refoulée par la philosophie : celle qui commence avec Humboldt, se poursuit chez Saussure, Benveniste et Meschonnic. En définissant le langage comme activité et comme mise en circulation de puissances poétiques, cette tradition fournit les bases d’une nouvelle « anthropologie historique du sujet ».