Cet essai trouve sa source dans une idée élémentaire – si simple, pensera-t-on, qu’elle coule de source : quoique distinct du besoin, le désir est vital. Dès lors qu’il s’agit de la vie humaine, et de ce que vivre signifie pour nous, il doit être question du désir. Non au sens d’un simple « instinct » par lequel nous nous efforcerions de conserver notre être, et encore moins, comme a pu et continue de le croire la psychanalyse, comme une « pulsion de mort », mais comme la tendance profonde de celle-ci à se dépasser. Le désir est élan et source de vie, et la vie jaillit (et jouit) d’être désir.
Le désir n’est pas l’indice d’un défaut que la vie tendrait à surmonter. Il est l’expression même de l’élan de la vie, de son intensité immanente qui déborde vers différents horizons – la pensée, l’art, l’amour, l’amitié, la politique parfois – où se joue le bonheur humain.
Alternant descriptions littéraires et discussion philosophique, traçant un chemin original de Spinoza à Blanchot, et récusant les lectures qui, de Kant à Levinas en passant par Lacan, ancrent le désir dans le négatif ou veulent le faire déboucher sur une transcendance, Miguel de Besteigui revisite brillamment ce concept classique. Il en montre le caractère toujours décisif, à l’heure d’une certaine manipulation des désirs dans le cadre d’un capitalisme numérique qui revêt un caractère largement « libidinal » mais exploite, normalise et banalise par là-même un désir commercialisé.
Miguel de Beistegui enseigne la philosophie à l’université de Warwick. Spécialiste de Heidegger et de Proust, commentateur de Foucault, il est par ailleurs l’auteur de Government of Desire: A Genealogy of the Liberal Subject (Le Gouvernement du désir.Une généalogie du sujet libéral, 2018, University of Chicago Pess).