« Il arrive qu’un séisme ne dessine qu’une ride sur le sol ; ou quelques fêlures et fentes sur les ouvrages d’art, ponts et bâtiments. À force millénaire de tremblements de terre apparaît une crevasse large dans le paysage, comme on en voit en Islande ou en Californie, celle de San Andreas. Visibles puis imprimées sur la carte, ces traces et marques révèlent et cachent une faille géante au niveau des plaques basses, qui se meuvent lentement et cassent tout à coup dans les abysses tectoniques, invisibles. Et la cause profonde de tous ces mouvements gît là.
Financière et boursière, la crise qui nous secoue aujourd’hui, sans doute superficielle, cache et révèle des ruptures qui dépassent, dans le temps, la durée même de l’histoire, comme les failles de ces plaques basses dépassent, dans l’espace, notre perception. »
Si nous vivons une crise, au sens plein du terme, aucun retour en arrière n’est possible. Il faut donc inventer du nouveau. Or, le nouveau nous submerge ! En agriculture, transports, santé, démographie, informatique, conflits, des bouleversements gigantesques ont transformé notre condition comme jamais cela n’était arrivé dans l’histoire. Seules nos institutions n’ont pas changé.
Et voici l’une de ces ruptures profondes : notre planète devient un acteur essentiel de la scène politique. Qui, désormais, représentera le Monde, ce muet ? Et comment ?
Michel Serres montre que nous sommes encore les acteurs de notre avenir.
Michel Serres, de l’Académie française, est l’auteur d’essais, dont Le Contrat naturel et Le Tiers-Instruit (François Bourin), « Le Grand Récit » (Hominescence, L’Incandescent, Rameaux et Récits d’humanisme), Le Mal propre et La Guerre mondiale (Le Pommier). Il propose une vision du monde qui associe les sciences aux humanités.