On a toujours tendance à faire remonter les commencements de la science aux Grecs anciens. On tient pour acquis qu’elle incarne un progrès en marche, qu’elle se construit linéairement, de manière cumulative, chacun ajoutant une brique à l’édifice commun. La science serait universelle, surplombante, détachée de tout substrat idéologique et culturel, et les écrits de nos prédécesseurs ne seraient que des essais, souvent naïfs, pour nous permettre de devenir ce que nous sommes.
Il n’en est rien. Nos prédécesseurs se préoccupaient de la construction de mondes ayant leur propre signification, leur propre cohérence, comme autant de systèmes de pensée à une époque donnée. La question du « progrès » n’a dans ce cadre pas grande signification.
En revanche, un chemin traverse la pensée occidentale depuis les Grecs : celui de l’ordre démonstratif, lancé par les Éléments d’Euclide, poursuivi en terre d’Islam, renforcé au XVIesiècle en Occident, où naissent les mathématiques comme nous les connaissons. Mais cet ordre démonstratif vaut pour sa forme, pas pour son contenu.
En prenant une position résolument critique, en revisitant les approches historicisantes de l’histoire des sciences, en interrogeant l’homogénéisation idéologique des pensées dans l’histoire globale, Michel Blay développe une nouvelle sensibilité aux constructions du passé comme à celles du présent, et ouvre une nouvelle voie pour l’avenir.
Michel BLAY
Michel Blay est philosophe et historien des sciences, directeur de recherche émérite au CNRS.