Kant a pointé les antinomies auxquelles est condamnée toute cosmologie rationnelle. Si, selon lui, la question du monde devait rester à jamais insoluble, il est néanmoins revenu à la phénoménologie de la rouvrir à nouveaux frais en interrogeant ce que Husserl considérait comme « l’énigme des énigmes » : la relation intentionnelle entre la conscience et le monde. Après cette percée menant (en droit du moins) au-delà de la pensée du monde comme Grand Objet, notre tâche est aujourd’hui de thématiser plus avant le monde comme un horizon ontologiquement premier par rapport à toutes les déterminations objectives et subjectives qu’il rend possibles.
Le procès du monde change alors de nature, et le sens du génitif se transforme décisivement. Car c’est désormais à partir du procès du monde lui-même qu’il nous faut envisager l’émergence du sujet et de l’objet. Ce double mouvement originaire est le procès du monde, ou le monde comme procès. Il s’ensuit que le monde que nous « faisons » est en même temps un monde auquel nous appartenons, et que la figure duelle de son ouverture ne peut être pensée ni en termes ni de « représentation » ni de « constitution ». C’est à éclairer cette nouvelle énigme que sont consacrées les études de ce recueil.
Michaël Fœssel, Jean-Claude Gens et Pierre Rodrigo (dir.) : Faire monde. Essais phénoménologiques
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