POUR LES PHILOSOPHIES théologisées, mixtes de religion et de philosophie, que sont les philosophies modernes, telles celles de Descartes, de Kant, de Hegel – et à l’exception de celle de Montaigne –, l’aléatoire ne saurait être au cœur de la réalité, puisque, pour l’être transcendant et omniconnaissant, Dieu, tout ce qui arrive et arrivera est de toute éternité, comme déjà arrivé. Si, au contraire, l’on revient à la philosophie libérée de la religion, c’est-à-dire à la manière grecque de philosopher, on est amené à ne pas limiter le champ de l’aléatoire à la zone humaine : on le voit au cœur de la réalité, c’est-à-dire au cœur des mondes innombrables qui s’inscrivent au sein de la Nature infinie elle-même, omnigénératrice, et qui, comme le poète improvisant à mesure, avance dans l’incertain.