Malgré des appels explicites à Descartes dans la phénoménologie telle que Husserl l’a conçue, on ne peut pas dire qu’y soient réellement prises en compte la problématique du doute hyperbolique, et encore moins ce qui va de pair avec cette dernière, la problématique du Malin Génie. Tout au plus y rencontre-t-on l’«hypothèse» de la «destruction du monde» et la question de la négation n’y est traitée que de façon assez triviale. Avec la question de l’épochè phénoménologique hyperbolique, cet ouvrage s’efforce de montrer un certain nombre de conséquences cruciales que la mise en jeu de l’hyperbole introduit dans l’architectonique interne de la phénoménologie: questions de l’intentionnalité, du langage, du simulacre originaire, de l’apparence pure, etc. Non par retour au scepticisme classique, mais par ouverture d’un nouveau «scepticisme critique» qui n’exclut pas, mais réimplique autrement l’analyse phénoménologique, par-delà l’intentionnalité, toute doxa positionnelle (perception, intuition) ou quasi-positionnelle (imagination) étant mise en suspens.
Le champ ainsi dégagé, fait de mobilités et d’instabilités, qui est désigné ici comme archaïque, est la base phénoménologique, et non pas le fondement du champ fort rigoureusement étudié par Husserl. La phénoménologique ne peut plus dès lors prétendre au titre de science, mais est amenée à s’exercer comme une sorte d’art philosophique, plus proche de la poésie et de la musique, où sont en jeu les profondeurs de notre vie dont le vécu husserlien n’est pour ainsi dire que la surface immédiatement perceptible, le plus souvent illusionnante._
Marc Richir : De la négativité en phénoménologie
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