L’éthique, selon Feuerbach, est une mise en pratique du principe selon lequel tout être vivant recherche les meilleures conditions de son maintien dans la vie et de sa reproduction. Nommons ce principe instinct du bonheur : il s’accomplit dans l’amour de soi et l’être humain, vivant parmi d’autres, se construit en se conservant au mieux dans la conduite alimentaire (texte de 1851, « Le Mystère du sacrifice, ou L’homme est ce qu’il mange »). Mais parce qu’il est doté d’une conscience, donc d’un pouvoir de séparation, cet instinct se dépasse dans l’amour du prochain (texte de 1869, traduit ici pour la première fois en français) ; non pas l’amour que prône la religion qui sépare l’homme de lui-même en le séparant de son corps, de son pouvoir réel, mais l’amour naturel qui s’accomplit dans le rapport sexuel. Pour la première fois sans doute dans la pensée philosophique le rapport sexuel est compris comme fondamentalement éthique, et plus, comme le véritable fondement de la morale. Reconnaissance immédiate dans le plaisir partagé, le rapport sexuel est, pour l’être humain qui est conscience de son être séparé, la forme et le moment du dépassement naturel de l’égoïsme, allant ainsi bien au-delà de la dangereuse pitié de Schopenhauer. En posant à sa manière la question du genre, Feuerbach a su trouver les mots justes pour rendre raison de l’heureuse différence des sexes et de l’impossibilité pour aucun d’eux de réduire l’autre à soi.
AUTEUR :
Feuerbach est né en 1804 en Bavière. Il fit ses études à Heidelberg puis à Berlin où il suivit l’enseignement de Hegel jusqu’en 1826. Il connaîtra la célébrité avec L’essence du christianisme, publié en 1841. La religion devient, dans sa pensée, l’aliénation fondamentale qui ruine les chances de bonheur de l’être humain. Plus tard, à partir de 1860, il tentera d’élaborer une philosophie morale qui restera fragmentaire. Il meurt le 13 septembre 1872, près de Nüremberg.