Les études ici réunies sont consacrées aux avatars historiques et aux implications anthropologiques de l’antique distinction entre poièsis et praxis. La conscience que le bios politikos (la vie politique) des Athéniens avait de lui-même était animée par la nécessité de distinguer entre praxis (agir, interagir) et poièsis (produire, fabriquer). Même lorsqu’elle dénigrait le bios politikos, comme ce fut le cas chez Platon, la poursuite du mode de vie contemplatif par les philosophes grecs était pleinement consciente de cette différence. C’est parce qu’il connaissait la fragilité de la praxis que Platon voulait faire prévaloir en politique la solidité de la poièsis et donc inverser la hiérarchie qu’avait établie la Cité démocratique athénienne entre ces deux types d’activité. C’est à cette inversion que résista son élève Aristote. À la différence de la philosophie politique grecque, la philosophie politique moderne, depuis Hobbes jusqu’à Hegel et Marx – exception faite de Kant –, en n’ayant d’yeux que pour l’activité de production, s’est rendue aveugle à cette distinction. À l’époque contemporaine, on doit à la lucidité de quelques rares penseurs, tels Hannah Arendt et Emmanuel Levinas, d’avoir mis en garde contre les conséquences néfastes de cet aveuglement.
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