Société Française de Philosophie, « Bulletin de la Société Française de Philosophie », 2012. 36 p., 15,5 × 24 cm. ISBN : 978-2-7116-5064-4
La question n’est pas seulement historique grâce à Lénine (auquel sans aucun doute on pourrait trouver des antécédents). Elle est peut-être la question que pose périodiquement l’histoire, ou qui se pose à propos de l’histoire : que faire pour qu’elle s’invente à neuf? que faire pour qu’elle sorte de l’impasse ou de l’indécision? que faire pour faire l’histoire ou pour la laisser se faire? Mais faut-il la laisser faire ou faut-il vouloir la faire?
Il n’est pas douteux que la question se pose aujourd’hui avec une acuité singulière. Une de ses manifestations est la fréquence avec laquelle on la pose au philosophe, supposé détenteur de réponses ou de méthodes pour l’action. Mais on la pose au même titre au religieux ou au moraliste.
Ce qui plus proprement est affaire de philosophe est de penser les tenants et aboutissants de la question, à commencer par ce qu’elle peut impliquer d’un passage de la « théorie » à la « pratique ». Encore faut-il savoir ce que « pratique » veut dire. De quel « faire » s’agit-il? D’un « agir » à coup sûr plus que d’un « produire », d’une praxis plus que d’une poiesis – s’il est possible de les distinguer sans reste.
Une chose semble se laisser entrevoir sans qu’on puisse rien prévoir : la civilisation qui a gagné le monde a commencé à pivoter, à basculer peut-être – tout autant qu’avaient basculé le monde gréco-romain ou celui de la féodalité. Quel « faire » s’ajuste à de telles situations? Quel « faire » philosophique, au moins, si quelque chose de tel existe?