La philosophie juive a toujours été une « philosophie des marges », elle s’est toujours tenue sur les rives de la philosophie dominante : que ce fût la philosophie hellénistique dans l’antiquité, la philosophie gréco-arabe (ou arabo-musulmane) au Moyen Âge, ou bien encore la philosophie germano-chrétienne dans l’Europe moderne. Par là même, la philosophie juive mettait en cause ou questionnait aussi bien la philosophie sur laquelle elle « mordait », que le judaïsme dont elle était issue, elle frottait pour ainsi dire la philosophie et le judaïsme l’un contre l’autre afin d’en faire jaillir des étincelles de savoir et de vérité. C’est pourquoi nous dirons que cette pensée des marges, loin d’être elle-même « marginale » ou « périphérique », a joué un rôle central tant dans l’histoire du judaïsme que dans l’histoire de la philosophie non juive. Et ainsi, on peut dire que la philosophie juive n’a jamais cessé, de l’antiquité à nos jours, d’être une pensée vivifiante aspirant à se saisir d’un savoir vrai, mais non pas seulement l’expression d’une « identité culturelle » particulière qui n’aurait, dans le meilleur des cas, qu’un intérêt historique ou folklorique.
Jean-Claude Poizat : Apprendre à philosopher avec la philosophie juive
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