L’émergence de l’école de Kyoto (Nishida, Tanabe, Nishitani) marque un tournant décisif dans l’histoire des idées. Ce courant de pensée constitue la première contribution consistante et originale du Japon à la pensée philosophique de type occidental, tout en l’enrichissant d’une perspective spécifiquement orientale, remontant aux sources chinoises et indiennes de celle-ci, et articulée autour de la notion de néant – souvent présenté comme un pendant asiatique à l’être occidental. Cet effort philosophique, élaboré au confluent des traditions d’Occident et d’Orient, représente un véritable défi, structuré et bien informé, pour la redéfinition même de l’histoire de la philosophie et du projet philosophique. Le fait que les années de formation de ce courant de pensée coïncidèrent avec une période de nationalisme et de militarisme intenses au Japon a retardé sa reconnaissance tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières du pays. À l’aube du XXIe siècle, les malentendus qui ont pu entourer ce courant de pensée sont enfin levés et les enjeux philosophiques (ontologiques et religieux) de sa production peuvent enfin être abordés sereinement.
James W. Heisig : Les philosophes du néant
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