À tout instant, quoi que nous fassions, nous sommes environnés par des corps qui réduisent l’espace et opposent de la résistance. Que sont ces corps qui saturent notre quotidien et avec lesquels il nous faut constamment négocier l’espace? Plus radicalement, pourquoi y a-t-il des corps? Je soutiens dans cet ouvrage que la psychologie et la physique ne disposent plus des moyens de répondre à cette question. La désubstantialisation du réel amorcée par la révolution quantique sape les fondements de l’explication objectiviste de la perception privilégiée par la première, et elle évide de sa portée ontologique le discours de la seconde.
Expliquer pourquoi la réalité se présente sous la forme d’un agencement de corps exige en premier lieu de comprendre le rôle que remplit l’anticipation du possible dans la perception. Dans le toucher comme dans la vision, poser l’existence d’un corps implique d’anticiper les contraintes que ce corps exerce sur notre champ de possibilités pratiques, accréditer de manière présomptive la disponibilité ou l’indisponibilité de certaines possibilités d’action. C’est donc uniquement parce que notre subjectivité donne sens à ce qui est en le référant à ce qui peut être que la réalité macroscopique à laquelle nous introduit la perception consiste en un monde solide.
Pour développer cette idée, l’ouvrage dresse une critique de la conception actualiste du phénomène de corps, qui subordonne celui-ci à l’expérience en acte d’une résistance, et il déconstruit l’approche physicaliste et objectiviste, qui prétend dériver les propriétés des corps que nous percevons des propriétés de structures physiques qui leur seraient antécédentes ontologiquement. Si la sémantique des corps présuppose l’épaisseur du temps humain et une perspective foncièrement pragmatique sur l’environnement, il n’est plus question d’assimiler sans autre forme de procès le corps à une « structure physique », quelle qu’en soit la teneur. Les corps sont un produit de l’activité constructrice de notre subjectivité, et seule une incursion profonde dans les mécanismes et principes qui régissent cette activité pourra permettre d’accéder à leur vérité.
Gunnar Declerck est maître de conférences en philosophie et épistémologie des sciences. Il a publié de nombreux travaux au croisement de la phénoménologie, de la psychologie et de l’Intelligence Artificielle.
Le Cercle Herméneutique – Collection Phéno
348 pages – 14 × 21,5 cm
ISBN 978-2-917957-27-1 – décembre 2014