La capacité de se maintenir dans l’espace public ne repose pas uniquement sur les seules performances des sujets. Elle dépend largement des règles sociales qui légitiment une vie ou, au contraire, la précarisent. La visibilité et l’invisibilité ne sont nullement des qualités naturelles mais des modes sociaux de confirmation ou d’infirmation des existences. Le déclassement, la relégation, l’absence de travail marginalisent les individus au point de les effacer en les retirant de toutes les formes de participation : le subalterne, le précaire, l’exclu sont alors de moins en moins audibles, de moins en moins visibles. Il est urgent que la philosophie prenne le parti des sans-voix et des invisibles si elle veut contribuer à une critique de la normalité sociale. Pour cela, elle doit repartir de ce que peuvent les vies ordinaires afin de penser au plus près de leur activité : car une vie cherche moins à être reconnue qu’à faire œuvre, à pouvoir participer de manière irréductible à la cité.
À la jonction de la philosophie sociale et de la philosophie politique, cet ouvrage propose, à partir de cette question, une discussion théorique des principales sources contemporaines de la théorie sociale (Honneth, Butler, Nussbaum) mais aussi de la phénoménologie (Ricœur, Levinas, Merleau-Ponty).