Dans ce recueil, on a voulu contribuer à la clarification des débats sur le sens et la valeur de l’universalisme en problématisant la notion de l’universel. Elle ne saurait être univoque, mais doit être pluralisée, ou plutôt différenciée, pour deux raisons dont l’ensemble fait une dialectique sans fin préétablie : d’une part, toute énonciation de l’universel (par exemple, les « droits de l’homme ») est située dans un cadre géographique et historique (on peut dire une civilisation) qui l’affecte dans sa forme et son contenu ; d’autre part, l’énonciation de l’universel n’est pas tant un facteur d’unification des êtres humains que de conflit entre eux et avec eux-mêmes. Encore faut-il essayer de mettre un peu d’ordre dans cette équivocité de l’universel, qui tout à la fois engendre la dérive des discours universalistes et aide à formuler l’exigence qui les traverse.
Au terme d’un parcours « constructif » et « déconstructif », trois apories sont énumérées, relativement au monde avec ses « places », au sujet collectif (le « nous » et ses « autres »), à la communauté politique (la « cité » ou « citoyenneté »). Leur ensemble confère à la nouvelle querelle des universaux dont nous sommes les témoins ou les acteurs son caractère indissociablement philosophique et politique. L’auteur propose de les articuler avec les thèmes venus au premier plan de son travail dans les dernières années : celui des différences anthropologiques et celui de la traduction inégalitaire des langues qui « se parlent » entre elles. À la notion d’un multiversum expressif qui se situerait au-delà de l’unité, répond la figure d’un sujet quasi transcendantal, pour qui la question ontologique qui le constitue en même temps qu’elle le condamne à l’errance est justement celle de la multiplicité des différences de l’humain.