« – N’êtes-vous pas Monsieur Diderot ? – Oui, Madame. – C’est donc vous qui ne croyez rien ? – Moi-même. – Cependant votre morale est d’un croyant. – Pourquoi non, quand il est honnête homme. – Et cette morale-là vous la pratiquez ? – De mon mieux. – Quoi ! Vous ne volez point, vous ne tuez point, vous ne pillez point ? – Très rarement. »
Ainsi commence l’Entretien d’un philosophe avec Madame la Maréchale de ***, une jeune femme « belle et dévote comme un ange » qui demande au philosophe de justifier son athéisme.
Ce savoureux dialogue a le naturel d’une conversation familière ; il en épouse les méandres. Chaque interlocuteur peut interrompre l’autre au moment où l’on s’y attend le moins. Les répliques s’enchaînent de façon imprévisible sans la moindre contrainte extérieure. Diderot ne catéchise pas son interlocutrice. Il a pour elle un respect qui n’est jamais démenti. Comme il est dit dans l’« Avis au lecteur », « il serait à souhaiter que les matières importantes se traitassent toujours (…) dans le même esprit de tolérance ».
On trouvera ici la première édition critique de ce dialogue, établie d’après la version originale diffusée dans la Correspondance littéraire en 1775 et accompagnée d’un ensemble de textes qui en éclairent le sens et la portée.