Le temps est-il fondamentalement une détermination du sujet ? À la suite d’Augustin, des philosophies aussi différentes que celles de Bergson, Husserl ou Heidegger n’hésitent pas à le soutenir : le temps n’est pas d’abord dans les choses, mais il provient, plus originairement, des actes, des attitudes ou des comportements par lesquels un sujet (ou, éventuellement, un Dasein) s’attend ou se souvient, anticipe des possibles ou décide de lui-même, c’est-à-dire temporalise dans leur unité indissoluble l’avenir, le passé et le présent.
C’est cette thèse que le présent ouvrage s’efforce de discuter et de soumettre à un examen critique. Quelle compréhension du temps au cours de la métaphysique a rendu possible sa « subjectivation » ? N’est-ce pas d’abord une certaine saisie du phénomène temporel comme phénomène intratemporel ? Et cette interprétation, dont il devient possible d’entreprendre une généalogie à la lumière des analyses de Platon, Aristote et Augustin, ne prescrit-elle pas son cadre conceptuel à la métaphysique elle-même ?
Mais, si la temporalité n’est pas pensable à l’aune de la subjectivité métaphysique (dont le Dasein, à certains égards du moins, constitue l’ultime figure), n’est-il pas requis, pour tenter d’en produire une phénoménologie, de changer de fil conducteur ? C’est en ce point que le présent ouvrage rejoint le projet de L’événement et le monde (PUF, 1998), celui d’une herméneutique événementiale de l’humain, dont il constitue à la fois l’approfondissement et l’achèvement.
Claude Romano : L’événement et le temps
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