La notion de politique est le titre de l’ouvrage le plus célèbre et sans doute le plus marquant de Carl Schmitt. C’est aussi une expression par laquelle il entendait fixer le critère du politique, qu’il s’agisse d’une position, d’un contexte, d’une action ou d’un conflit politique. À travers ce critère, c’est l’essence même du politique qu’il déterminait et qu’il faisait résider dans la distinction ami/ennemi. Or ce que nous entendons montrer dans le présent ouvrage, c’est que ce prétendu critère et cette détermination de l’essence du politique relèvent du mythe. En un double sens : d’abord, au sens d’une fable et d’une fiction liées à d’autres fables et fictions par lesquelles Schmitt reconstruit imaginairement la réalité politique. Ensuite, au sens où le politique est arraché par Schmitt au domaine de la rationalité pour être déplacé dans l’espace d’une mythologie politique où les notions de katechon, de combat ultime, d’apocalypse, etc. occupent une place centrale. Cela reviendra à montrer que, contrairement à ce que certains, et même beaucoup, voudraient nous faire accroire, Schmitt n’est ni le penseur du politique, ni le penseur de l’État moderne ou postmoderne. Si on a pu le dire, c’est que notre temps est celui d’une confusion philosophique et politique telle que l’on peut faire passer la contrefaçon la plus grossière pour la chose même.