Cet ouvrage propose une lecture nouvelle de la doctrine de la religion chez Bergson, en analysant la méthodologie originale empruntée par le philosophe, notamment dans Les Deux Sources de la Morale et de la Religion. Celle-ci met en jeu sa métaphysique spiritualiste et les acquis de la sociologie de son temps, en l’occurence celle de l’École française fondée par Émile Durkheim.
L’originalité et la modernité de la démarche bergsonienne résident dans l’intégration différentielle de ces deux points de vue, où chacun d’entre eux se trouvent en retour redéfinis dans une perspective nouvelle. En adoptant ce « mixte » méthodologique, Bergson reconnaît ainsi la nécessité de traiter le fait religieux dans sa polymorphie, à la fois comme fait spirituel et social. Dans cette optique, le fait mystique, saisi indépendamment du dogme et de la foi, occupe une place centrale dans la mesure où, d’une part, il s’impose de manière inédite dans la doctrine bergsonienne comme l’« auxiliaire puissant de la recherche philosophique », et où, d’autre part, en s’incarnant dans des « individualités », il met à jour une dialectique subtile qui se joue entre le social et le spirituel, envisagés de manière divergente par la métaphysique bergsonienne et la sociologie durkheimienne.
Brigitte Sitbon-Peillon tente ainsi de comprendre le rapport complexe qui se joue entre les différents niveaux de ce savoir, où la religion devient le medium suscitant leur articulation. On y voit comment Bergson, dans son dernier ouvrage, tout en déployant les conditions d’une épistémologie originale à une époque décisive pour l’histoire des sciences, s’éloigne des métaphysiques classiques, mais ne court pas le « risque » d’une abolition de son exigence spéculative : celle de faire de la philosophie une expérience intégrale.