On croit que Nietzsche affirme inconditionnellement le corps et la vie. Mais, en mettant le corps « à la place de l’âme et de la conscience », il n’aurait rien fait d’autre que d’incarner la subjectivité des Modernes dans la corporéité, poursuivant jusqu’à son terme l’« achèvement des Temps modernes » (Heidegger). Nous contestons ces deux hypothèses. Le « concept de Dionysos » (Ecce Homo) ne conduit ni à l’affirmation inconditionnelle de la vie, ni à celle des corps vivants que nous sommes, mais à leur critique, à la première tentative d’une critique de la chair.
Si la critique qui s’engage ainsi reprend celle de Kant, elle se déplace dans un tout autre domaine. Il ne s’agit plus de partir des réquisits de la connaissance, ni de l’expérience et de son besoin d’unité, mais des exigences de l’excès du flux (Dionysos) – qui réclame d’être délimité (Apollon), puis incorporé, organisé et aimé par une oreille en chair (Ariane). Ce qui se trame entre Dionysos, Apollon, Ariane et le Crucifié n’est pas un ornement littéraire. C’est la première histoire philosophique de l’amour (et du désamour) entre la chair et le flux.