Heidegger opposait à la « barbarie » contemporaine l’exemplarité du style philosophique kantien. Mais les grands postkantiens le jugeaient plutôt exemplairement barbare, parce que non thématisé, impropre, et même autocontradictoire.
L’ouvrage prend au sérieux ce verdict, pour mieux l’inverser. Il identifie le statut de la connaissance critique, élucide les procédures de validation qu’elle convoque et montre que référer les thèses kantiennes au régime de discours qui les établit permet de prendre la mesure de leur radicalité.
Il établit que le philosopher kantien relève d’une réflexion qui signifie discursivité, et dont le thème transcendantal répugne à être connu sur un mode objectivant. La fidélité de la connaissance critique à la nature de son thème ne peut toutefois l’autoriser à transgresser les limites qu’elle assigne à tout savoir. Les énoncés critiques appellent donc un mode de probation qui les réfère indirectement à l’intuition, ou au fait qui peut en tenir lieu. Forme du discours qui n’est pas sans effets de contenu : factualité d’un transcendantal impuissant à répondre à la question de son propre pourquoi, facticité de la structure qui possibilise une connaissance dont elle partage la contingence métaphysique, indéductibilité d’une loi morale dont l’absoluité sort renforcée de ne pouvoir être expliquée et ne cesse de féconder la pensée finie.
Antoine Grandjean est Maître de conférences en philosophie allemande à l’Université de Nantes