Les propagandes visant à faire passer le cours pris par la globalisation économique pour un fait de nature, s’imposant sans discussion possible à l’humanité entière, semblent avoir recouvert jusqu’au souvenir des leçons sociales qui avaient été tirées de l’expérience des deux guerres mondiales. La foi dans l’infaillibilité des marchés a remplacé la volonté de faire régner un peu de justice dans la production et la répartition des richesses à l’échelle du monde, condamnant à la paupérisation, la migration, l’exclusion ou la violence la foule immense des perdants du nouvel ordre économique mondial. La faillite actuelle de ce système incite à renouer avec l’esprit de la Déclaration de Philadelphie de 1944, pour dissiper le mirage du marché total et tracer les voies nouvelles de la justice sociale.
Alain Supiot
Juriste, professeur émérite du Collège de France (chaire « État social et mondialisation »), il est l’auteur de très nombreux ouvrages traduits dans le monde entier, dont Homo juridicus (Seuil, 2005) et La Gouvernance par les nombres (Fayard, 2015).