Dix-huitième siècle n°52 : Barbaries, sauvageries?
Catégories transhistoriques, barbarie et sauvagerie s’inscrivent dans l’histoire des nombreux visages d’une altérité lointaine ou toute proche, mais aussi dans une histoire propre au XVIIIe siècle au sein de laquelle les découpes traditionnelles entre « nous » et « les autres » s’émoussent. Dans des territoires où des Européens qu’on dit « ensauvagés » côtoient les populations autochtones, et en un siècle où barbarie et sauvagerie servent de caution légitimante des aspirations de l’aristocratie anti-absolutiste, elles peuvent aussi être porteuses d’une énergie régénératrice des arts et des lettres. Le tournant révolutionnaire rebat les cartes, y compris celles de la barbarie et de la sauvagerie, termes entre lesquels pourtant jusque là on faisait des différences. Et l’opinion devenant la reine du monde, qui saura s’emparer des deux catégories, d’abord ambiguës, ensuite stigmatisantes? En enchevêtrant finalement barbarie et sauvagerie, le siècle se termine dans une confusion lourde de conséquences pour le XIXe siècle.
Société Française d’Étude du Dix-Huitième Siècle – Dix-huitième siècle, 52 (2020)