Ce numéro s’ouvre par la traduction, par Bruno Langlet, de la première partie du texte de Bertrand Russell intitulé « La théorie des complexes et des assomptions de Meinong » (1904). En partisan du réalisme logique, Russell y analyse les idées de Meinong au tournant du siècle, lesquelles dessinent ce qui sera la théorie de l’objet (Gegenstandstheorie). Il montre le profond accord qui, en cette période, les réunit fréquemment sur nombre de principes, thèses et arguments; et dans cette première partie, il focalise la discussion sur la théorie des objets d’ordre supérieur de Meinong.
Dans « Intentionnalité et normativités pratiques : l’exemple du consentement », Marie-Hélène Desmeules rappelle que bien qu’elle soit une méthode essentiellement descriptive, la phénoménologie a dès le début tenté d’élucider certains traits normatifs de notre expérience. Si, chez les premiers phénoménologues, l’intentionnalité fut posée au fondement d’expériences à teneur normative, ils la réduisirent cependant à une forme de normativité théorique. L’auteur démontre, a contrario et par l’analyse de l’acte de consentement chez Husserl et Reinach, que l’intentionnalité demeure une notion pertinente pour penser la constitution de normativités pratiques irréductibles à une forme de normativité théorique.
Dans « Les lois de la nature peuvent-elles changer ? », Julien Tricard s’attache à critiquer la formulation traditionnelle du problème humien de l’induction, pour en proposer une plus simple. Depuis Hume, on estime qu’il faut démontrer que « les mêmes causes entraînent toujours les mêmes effets » ou que « les lois de la nature ne peuvent pas changer » (thèse d’uniformité de la nature). Or, premièrement, une analyse historique montre que la catégorie de causalité est inutile pour poser le problème de l’induction. Deuxièmement, leur analyse conceptuelle prouve que les lois de la nature ne peuvent pas changer dans le temps : une loi existe et ne change pas, ou bien n’existe pas. Par conséquent, pour résoudre le problème de l’induction, il suffit de montrer qu’il existe dans la nature des lois régissant les phénomènes.
Dans « L’objet de Michel Foucault », Daniel Liotta analyse les enjeux de la déclaration de Foucault : « je perçois l’intolérable ». Cette affirmation oblige à concevoir sa philosophie comme une pensée de la perception; ainsi la perception généalogique aurait-elle le mérite de nous donner à voir le contingent, alors que nous nous satisfaisions trop aisément de la croyance en une nécessité politique ou anthropologique. Toutefois, une difficulté axiologique ne saurait être esquivée : comment une pensée de la contingence peut-elle légitimement accorder une valeur nécessaire à cette norme que constituerait l’« intolérable » ?
D. P.