La vie de Charles Péguy est d’abord celle, misérable, au sein des Cahiers de la quinzaine, sous l’emprise du devoir et de l’Affaire Dreyfus. Mais il en existe une seconde, heureuse quoique virtuelle, qu’il n’a pu accomplir et qui a surgi comme malgré lui dans son écriture : une vie vouée à la philosophie. L’ambition de ce livre est de fournir à la philosophie de Péguy l’« appareil » capable de manifester le plus fidèlement possible le « profond ordre intérieur » qui tient ensemble tout ce « fatras » de textes qui ont jailli génialement de sa plume.
Philosophe, Charles Péguy l’a été avant tout. Là est le point profond et fixe où s’articulent ses différents profils que le lecteur peine parfois à concilier : socialiste, dreyfusiste, révolutionnaire, internationaliste, pa-triote, journaliste, historien, polémiste, chrétien et poète. Et parce que l’action a toujours présidé à sa pensée, celle-ci a épousé les péripéties de l’événement avant de se recueillir dans la profondeur de sa mémoire. Elle se serait récapitulée dans un livre de confessions si sa mort au champ d’honneur, le 5 septembre 1914, n’en avait annulé jusqu’à sa possibilité : les Mémoires d’un imbécile.
Camille Riquier : Philosophie de Péguy, ou les mémoires d’un imbécile
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