Cet article constitue la suite d’une recension dont la première partie se trouve à cette adresse : https://www.actu-philosophia.com/spip.php?article568
III°) INCARNATION
Pour Emmanuel Falque, qu’il s’agisse de phénoménologie ou de théologie, deux lectures divergentes peuvent s’opérer à partir de la question de la corporéité : une « lecture plus facile » d’abord qui en toute chose cherche d’abord son incarnation (dans un pathos charnel), et la « lecture plus difficile » d’autre part qui au contraire s’interroge sur le sens de son incorporation (dans un corps pourtant matériel, ou à tout le moins organique). Il ne suffit pas en effet d’avouer « la peine que procure la montée de cette ruelle en pente », encore faut-il aussi et d’abord reconnaître le poids de notre propre corps (avec ses kilos), dit Emmanuel Falque, sans lequel jamais cette peine en réalité ne sera éprouvée et qu’il faudra bien pourtant monter au sommet de ce bourg. La leçon d’Aristote – l’individuation non uniquement par la forme mais aussi par la matière – ne saurait ainsi être si rapidement évincée. Ainsi, Emmanuel Falque montre que la relation érotique à l’autre dans « la nuit des amants » naît bien aussi de la différence des corps, et non uniquement du pathos de la chair. La détermination sexuelle s’enracine dans une corporéité différenciée qui précisément fait à la fois son attrait et son étrangeté, sans nécessairement tomber dans un quelconque objectivisme érotique. Or « que le Christ ait partagé en son corps ce qui fait notre propre corps, dit Emmanuel Falque, voilà précisément ce qu’il convient de penser en théologie cette fois. » 1 Car, ajoute notre auteur, « il ne suffira pas qu’il soit venu en notre chair, encore lui a-t-il fallu se faire corps comme nous. Et en cela seulement son incarnation change tout. Selon Emmanuel Falque la découverte henryenne de la troisième chair – la chair originaire ou impressionnelle aux dépends de la distinction de la chair intentionnelle et du corps chosique – fait payer le prix fort au corps lui-même : « La descriptibilité des phénomènes invisibles » dans le pathos charnel oublie la puissance de la visibilité du corps sans laquelle aucune invisibilité ou impression charnelle en réalité ne serait générée. » 2 La question de l’incorporation est essentielle pour notre auteur – mais c’est aussi peut-être la plus difficile de toute la phénoménologie de la corporéité. La difficulté à penser phénoménologiquement le corps et l’animalité de l’homme plus que sa chair en son pathos proprement humain, demeure, pour Emmanuel Falque, « le nœud gordien à défaire aujourd’hui » 3. La question n’est pas d’abord théologique ou christologique pour notre auteur, mais d’abord phénoménologique : comment et pourquoi chercher toujours à concevoir une chair sans corps – ou à tout le moins une chair qui « s’éprouve soi-même » indépendamment du « corps inerte ou extérieur » ? Or à trop immédiatement chercher l’essence de l’humanité (la chair), on en oublie la plus ordinaire animalité (le corps). Ainsi, « la décision de laisser hors du champ de notre investigation les êtres vivants autres que les hommes ne se justifie en rien si tant est que nous sommes d’abord, nous aussi, du vivant organique et chosique avant que d’être du pathos affectif. » 4 Emmanuel Falque choisit de porter toute son attention au corps. Michel Henry lui-même, s’était penché sur ce problème, mais sans le résoudre : « Notre main pourtant ne franchit-elle pas un espace objectif pour saisir le livre posé sur le bureau, en écarter de ses doigts les feuillets ? Nos pieds, solidement plantés sur la terre ou se déplaçant sur le chemin, n’en heurtent-ils pas les pierres – les pierres situées les unes à côté des autres, dans cette res extensa dont parlent Galilée et Descartes (…) La relation de la chair au corps est une question incontournable. » 5 Emmanuel Falque accuse Incarnation d’appliquer au corps un « monisme charnel » de type spinoziste – ce qui rend raison, selon lui, de l’impossible incorporation henryenne. La duplicité du corps chosique et de la chair intentionnelle est en effet tout entière absorbée dans la chair impressionnelle. « La découverte de cette chair originaire comme « nouveau corps » oublie l’ancien, constate Emmanuel Falque, au point de n’être rien, ou presque, de ce qui appartient au corps chosique de l’homme. » 6 Pour notre auteur, tout « jouir » comme tout « souffrir » passe aussi et d’abord par le corps, sans se réduire uniquement au vécu de sa chair originaire ou à son simple pathos. L’impossible incorporation phénoménologique atteint des implications théologiques. Emmanuel Falque revient pour cela au De carne Christi de Tertullien contre les gnostiques et la thèse couramment répandue du Christos angelos. Dans ce traité il s’agit moins de dire un Dieu de l’extraordinaire que l’incarnation du Verbe dans l’ordinaire des jours et de notre simple corporéité matérielle – « avec une chair comme la nôtre, irriguée par le sang, charpentée par les os, sillonnées par des veines. » 7 Pour Emmanuel Falque, le parricide de Michel Henry sur Tertullien n’est pas justifié : « Il revient même au carthaginois, bien avant Husserl et contre tous les évitements phénoménologiques contemporains, d’avoir posé cette question de l’incorporation – et non uniquement de l’incarnation au cœur de son dispositif théologique », dit Emmanuel Falque 8 « D’où venait son corps si son corps n’est pas chair ? » 9 Quelle sorte de chair pouvons-nous et devons-nous alors reconnaître dans le Christ ? Le Fils ne s’éprouve pas uniquement en sa chair, mais se donne aussi dans un corps, une matière organique proprement humaine qu’il partage avec nous. L’extraordinaire de l’incarnation du Verbe est précisément « sa prise en charge de l’ordinaire de notre condition humaine » affirme Emmanuel Falque. Et en cela précisément il se donne jusque dans un corps. Emmanuel Falque avoue que, selon lui, l’incarnation chez Henry « ne change rien » car pour le phénoménologue, le Verbe n’est pas venu dans un corps mais dans une chair. En effet, tout se passe comme si Dieu ne s’était pas incarné temporellement, visiblement dans un corps, sur une terre et dans une histoire : « Ce n’est précisément pas, ou plus, le nouveau-né couché dans une mangeoire ou l’icône de la mère portant le Fils qui marque ici l’incarnation, mais le doigt de l’ange du retable d’Issenheim. L’incarnation montre chez Michel Henry, mais il n’y a en quelque sorte rien à voir puisque tout demeure dans l’invisible de la vie, hors même du champ de la visibilité du monde. » 10 Ainsi, pour Emmanuel Falque, notre corps est d’abord un « corps de chair » au moins en cela qu’il n’est jamais de « vécu du corps » indépendamment d’une matérialité, voire d’une organicité. « La chair est la charnière du salut » (caro cardo est) : cette formule de Tertullien livre la chair avec le corps, et libère ainsi définitivement le gond dont l’incarnation, ou plutôt, l’incorporation, change tout. « Chair » non pas seulement ici au sens de l’éprouvé de la vie, mais cette fois dans l’acceptation la plus commune du poids du corps ou du limon de la terre, comme nous le montre la Crucifixion avec un soleil noir d’Egon Schiele où les « corps épandus » (celui du Christ et ceux des deux larrons) pèsent de tout leur poids, venant rappeler que le Christ n’est pas seulement « venu en notre chair » mais qu’il s’est aussi fait corps comme nous. L’assomption par Jésus le Christ du corps de l’homme tout court est cela même qui change tout. Il ne s’agit donc pas seulement d’incarnation, mais aussi et surtout d’incorporation. Et c’est bien là, aux yeux de notre auteur, le problème central de la christologie.
En la compénétration de la chair et de la parole, l’œuvre de Jean-Louis Chrétien tient, quant à elle, une place unique dans la phénoménologie, et aussi originale, non pas en cela qu’il faudrait en revenir à une herméneutique du texte contre la phénoménologie du corps par exemple, mais par-là que le texte lui-même est corps, lieu d’une intercorporéité plutôt que simple échange langagier. Se laisser lire par les Saintes Écritures, pour reprendre le titre de l’un des livres de Jean-Louis Chrétien, n’est pas consacrer le texte comme tel, mais plutôt y voir le lieu du surgissement d’une parole, d’un « corps-à-corps » dans lequel celle-ci se dit plus qu’elle ne se lit, s’entend davantage qu’elle ne se comprend. 11 Le « combat amoureux » qu’Emmanuel Falque engage ici avec Jean-Louis Chrétien ne concernera donc nullement, en particulier dans la figure d’Adam, une exclusion ou un choix – comme s’il fallait toujours préférer la poussière du sol à la première parole, ou le silence du corps à l’énoncé du signifier. Mais, notre auteur rappelle que la question de l’ordre ne saurait cependant être négligé : « La question n’est pas de savoir si l’homme est corps « et » parole, mais de se demander si l’on traitera de l’humain d’abord comme corps ou d’abord comme parole. » 12 La complémentarité des champs n’empêche pas une différence d’accents. Si Dieu fait certes de la parole humaine la première arche dans l’acte de la nomination des animaux, doit-on aller jusqu’à affirmer que la parole est l’unique arche, car elle est l’unique mémorial et l’unique promesse ? Cette question est celle qu’Emmanuel Falque adresse à Jean-Louis Chrétien. Il se demande, en effet, si l’on peut contrebalance l’Arche de la parole par l’Arche de la chair, en cela que la « visibilité du corps » serait aussi un des lieux privilégiés, et peut-être le premier, de sa propre expressivité : Adam parle certes, mais auparavant il se tait ou mieux il « crie », comme il en va chez Jean Scot Érigène de l’homme dans son acte de naître et aussi de Dieu dans celui de créer : « Dieu a d’abord crié dans l’éternité avant l’incarnation, par la seule divinité ; et il a crié, ensuite, par sa chair. » 13 Le parler du signifier s’ancre d’abord et aussi dans le cri de la corporéité, de sorte que de L’arche de la parole Emmanuel Falque remontera vers l’arche de la chair, en radicalisant, et en rejoignant en même temps, le travail de Jean-Louis Chrétien.
Or pour Emmanuel Falque, Jean-Louis Chrétien, dans L’arche de la parole, reste encore dans la veine heideggérienne en centrant la figure d’Adam sur l’acte de parler. Et si Emmanuel Falque reconnaît que dans L’Effroi du beau, le phénoménologue consacre un mode de la chair comme « le medium par lequel vers le divin s’élever », il constate cependant que la considération de la corporéité ressort ici davantage de Platon, Porphyre ou Plotin, que d’Irénée et de Tertullien. Et si La symbolique du corps dans les commentaires du Cantique des cantiques prend bien pleinement en charge les organes du corps (les dents, le nez, les lèvres, le cou, les seins, le ventre, la chevelure, etc.), c’est bien en cela qu’ils sont d’abord des lieux pour signifier (symboles) plutôt que des organes dont le silence fait aussi leur spécificité. Certes Emmanuel Falque n’oppose pas « l’arche de la chair » et « l’arche de la parole », mais, tout de même, il se demande par où débuter : « Au « commencement » (Bereshit) seulement se tient probablement l’écart de l’œuvre de Jean-Louis Chrétien et de notre propre perspective – le « parlé » d’un côté, l’« incarné » de l’autre, sans que ni l’un ni l’autre ne soient cependant oubliés. » 14 Il est clair que pour Emmanuel Falque, la question n’est pas seulement de savoir si l’arche de la chair prend ou non le relais de l’arche de la parole, mais plutôt de se demander d’abord par quoi « commencer » (chair ou parole) et ensuite en quel type de « chair » Adam, en guise de prototype du Verbe, en vient à s’incarner (« chair organique » ou « chair vécue »). C’est pourquoi, notre auteur nous dit que « le vis-à-vis » de l’arche de la parole tourne en « côte à côte » de l’arche de la chair : « Le Seigneur prit l’une de ses côtes, et referma les chairs à sa place » (Gn 2, 21) 15. Autrui ne se présente pas toujours « de face » comme celui à qui on parle. Et c’est bien là le trait propre de l’arche de la chair, dans la vision chrétienne de la kénose qui possède ceci en propre sur le judaïsme que l’être en chair (basar) prime sur le parler (dabar), ou le corps (soma) sur la parole (logos), dès lors que Dieu lui-même s’est incarné, et qu’Adam n’eut d’autre tâche que de le figurer et de le préfigurer. Adam le « glébeux » (Chouraqui) tiré de la terre se découvre aussi dans sa chair, ainsi qu’Ève elle-même venue de sa propre chair. Le profond sommeil où Dieu contient le premier homme ne sied pas seulement à faire taire sa conscience, et à anesthésier sa douleur à l’heure où il semble ouvert, et comme aussi opéré. Il conserve aussi et surtout un mystère, nous dit Emmanuel Falque : celui du « silence de la chair », propre aux corps « épandus », au moment de dormir ou d’être anesthésié, voire pour le Christ d’être crucifié : « Adam parle certes en nommant les animaux, ou mieux « use » de la parole lorsqu’il les « dit », moins pour les dominer que pour les faire pénétrer dans l’arche du parler. Reste que la béance de l’échec de la nomination renvoie à l’originaire de la « glaise » d’où il fut modelé, et exige de lui un autre mode d’exister. Ne trouvant « pas d’aide qui lui fut accordée » (Gn 2, 20), Adam renonce en quelque sorte à tout articuler, préférant ici vociférer là où il s’agissait simplement de nommer. » 16 Le cri adressé à Ève par Adam dans sa reconnaissance (« l’homme s’écria » Gn 2, 23) succède aux noms étiquetés sur les animaux dans son ignorance (« pour voir comment il les appellerait » Gn 2, 19) : « Désormais, Adam peut passer du nommer au dire, indique Jean-Louis Chrétien mais sans insister davantage sur la création charnelle d’Ève, de l’imposition des noms à des êtres muets au dialogue dans la liberté intime et ouverte à la fois. » 17 De la boue, et donc de cette chair organique dont le corps d’Adam est aussi composé (Gn 2, 19), se tirera alors la façon dont son corps fut modelé. Véritable « chirurgien plastique », nous dit Emmanuel Falque 18 qui reprend une expression d’Irénée, Dieu opère une sorte de « plasmation amoureuse », nous façonnant du ventre de notre mère (plasma) comme Adam fut tiré de la terre (adama) : « Le Verbe de Dieu nous modèle dans le sein maternel, insiste Irénée. Jérémie l’affirme : « Avant de te modeler dans le ventre de ta mère, je t’ai connu » (Jer 1, 5). Ainsi donc, nous sommes modelés (plasmemur) dans le sein maternel par le Verbe. » 19 Du Fils modelé dans la terre vierge de l’utérus maternel de Marie, à Adam tiré et façonné de la terre glaiseuse du jardin, « la conséquence est bonne aux yeux de l’évêque de Lyon, héritier en cela de l’auteur de la Genèse, nous dit Emmanuel Falque. 20 L’arche de la chair convertit ainsi la « terre » en « chair ». L’« anthropologie de la poussière » pour reprendre les termes de Marcel Jousse, ne se contente pas de ramener l’homme vers la terre. Elle comprend en cela aussi qu’il est chair. Insufflé, comme on intube le malade en mal d’être réanimé, c’est tout le corps d’Adam qui reçoit l’ « intusspection » du Dieu vivant. 21 Par le pneuma de l’haleine de vie (Gn 2, 7), Dieu ne se contente pas de marquer de sa présence le composé du corps et de l’âme ; il y participe pour l’animer : « C’est notre substance, c’est-à-dire le composé d’âme et de chair, qui, en recevant l’Esprit de Dieu, constitue l’homme spirituel », précise Irénée. Conformément à l’anthropologie tripartite de l’Épître aux Thessaloniciens (corps, âme et esprit), l’arche de la chair comme « composé » reçoit le souffle divin comme « animé » de sorte qu’Adam vit aussi de l’Esprit de Dieu ou de son pneuma, et non pas exclusivement de son seul corps (soma), fût-il attaché à l’âme (psuchê) : « semé corps animal (soma psuchikon), l’homme ressuscite corps spirituel (soma pneumatikon) (1 Co 15, 44) 22
Emmanuel Falque se demande alors de quel type de corps il s’agit dans l’arche de la chair, puisqu’il l’oppose moins ici à une arche de la parole qui l’aurait oubliée, qu’il n’en établit la primauté. Selon notre auteur, Tertullien prend le relais d’Irénée, qui de la « visibilité de la chair » fait maintenant passer à sa « consistance » : « Nous avons d’abord publié un volume sur la chair du Christ où nous établissons sa consistance (solidam), contre l’irréalité d’une apparence. » 23 Loin du platonisme, comme aussi du plotinisme, voire de Denys l’Aréopagite, selon les références dont Jean-Louis Chrétien use souvent, la chair ici est bien, chez Tertullien, une « chair véritable », une chair obscure plutôt que translucide, solide davantage que fragile, réelle et non pas seulement expressive : « Le premier homme (Adam) est né du limon de la terre, et le second (le Christ) du ciel (1 Co 15, 47). Toutefois, le texte n’envisage pas de différence de matière (non tamen ad materiae differentiam spectat) : il oppose à l’ancienne substance charnelle du premier homme, Adam, qui n’était que terrestre, la substance céleste du second homme, le Christ, qui provient de l’Esprit. » 24 Emmanuel Falque montre ainsi que la différence capitale qui dit l’arche de la chair et en trame aussi sa consistance comme son épaisseur vient de l’irréductible écart qui sépare l’apparaître charnel angélique de la réalité corporelle christique – dont Adam hérite à tout le moins en guise de premier homme, voire de prototype. Les anges « ne sont pas corps », souligne l’Aquinate 25, mais il leur arrive « d’assumer un corps » (corpora assumant), comme dans le cas de l’ange de Tobie par exemple. Et dans une telle assomption, « ce n’est pas pour eux (propter seipsos) que les anges ont besoin d’assumer un corps, mais seulement pour nous (propter nos) 26 En guise de premier homme, Adam eut une chair « pour naître et pour mourir », et non pas une chair « pour apparaître ». La réalité de la chair du Christ est d’abord de l’ordre de l’organique et non pas seulement du vécu de la chair, ou de l’esthétique et du langagier : « Le Christ au moins anima cet homme, fustige Tertullien contre Marcion, ce caillot de sang formé parmi les immondices, cet homme venant au monde par les organes honteux, cet homme nourri au milieu des caresses dérisoires. » 27 Et cela, le Greco nous le montre admirablement dans L’Espolio (« Le partage de la tunique du Christ ») où la réalité corporelle christique rayonne au centre de la toile, parmi la chair, la couleur et la lumière que le peintre a su rendre avec un incomparable génie. Ici le corps du Christ s’offre, s’abandonne comme don de l’organique à l’organique, il est au « parmi nous », incorpore la mêlée des hommes, leurs passions, leurs pulsions, leur chaos même : prêt à être mangé et ingurgité jusqu’à laisser Dieu habiter et transformer notre propre chaos intérieur, et non pas uniquement comme simple corps de chair ou en chair. Si la « figure » en la personne du Christ est à la fois « resplendissement » et « expression », celle-ci n’oublier cependant pas son premier enracinement en la figure d’Adam. Et c’est peut-être ce que le peintre aussi, à l’instar d’Emmanuel Falque, veut nous montrer en plaçant le Fils de Dieu, au milieu des fils d’Adam, comme un « nouvel Adam ». Car ce premier enracinement est fait de terre, de chair, selon une matière dont nous sommes toujours composés comme aussi dérivés. Il est donc avant tout question d’envisager la place substantielle de la matière dans l’homme, la densité cosmique et ontologique de la matière dans le projet total de l’émanation créatrice. L’épreuve de Noé prend ici le relais de l’épreuve d’Adam – voyant ou étant vu moins cette fois dans sa capacité à nommer les animaux ou à partager aussi leur chair, que dans son délaissement pour sombrer dans l’inattendu de l’événement sans désespérer cependant que Dieu lui donne le signe sensible qu’il n’attendait plus : « J’ai mis un arc dans la nuée pour qu’il devienne un signe d’alliance entre moi et la terre » (Gn 9, 13). De l’arche (de la parole et de la chair), à l’arc (du ciel ou de la nature), la conséquence est bonne, nous dit Emmanuel Falque. 28 L’homme prête ici sa langue et sa chair à la nature, déchiffrant en celle-là (la nature) ce qu’il ne sait pas, ou plus, dire en celle-ci (son langage ou son corps).
IV°) Expérience
« Expérience » désigne l’ultime étape par quoi la dispute phénoménologique et théologique s’achève. L’experior, non pas au sens empirique de l’expérimenter mais au sens phénoménologique de l’éprouvé, désigne probablement la cime de toute la phénoménologie. Dans le chapitre intitulé « La visite de la facticité », à la suite de Jean-Yves Lacoste, Emmanuel Falque poursuivra, l’effort pour lier « phénoménologie et liturgie », sans rien perdre de la perdre de la première en l’élevant au rang de la seconde. À Jean-Yves Lacoste, notre auteur reconnaît le mérite de ne pas avoir quitté l’horizon de la finitude. Quand Dieu vient la visiter, devra-t-il alors la rompre (coram Deo) davantage que la transformer (cum Deo) ? Dans un autre chapitre, Emmanuel Falque déploiera une « phénoménologie de l’expérience » pour reconnaître, à la suite de Claude Romano, que l’« expérience de la transformation », dans la naissance en particulier, impose la « transformation du concept d’expérience ». Loin d’opposer phénoménologie et herméneutique, à l’instar de nombre de phénoménologues qui ont coutume de les séparer, voire de les ignorer, Emmanuel Falque retrouve ici les linéaments d’une philosophie du pré-linguistique ou de l’infra-langagier qui attend encore d’être exprimée – et que l’épreuve de la souffrance est aussi capable de conduire en nous tirant aux limites mêmes de l’expérience. Un « hérisson » (Emmanuel Falque lui-même) et un « renard » (Jean Greisch) viennent alors se rencontrer dans un épilogue pour le moins savoureux qui nous donnera toute l’ampleur du combat amoureux.
Pour Emmanuel Falque, il revient en propre à Jean-Yves Lacoste d’avoir montré que Martin Heidegger n’a en réalité jamais quitté sa propre route, mais seulement modifié le tracé. Athéisme et paganisme ne seraient donc que l’envers et l’endroit d’une même médaille – celle qui, sur une face, nie le divin au nom de la plus stricte authenticité philosophique (athéisme), et celle qui, sur l’autre face, le retrouve au titre de sa nécessaire habitation poétique (paganisme). Emmanuel Falque nous rappelle que nous vivons aujourd’hui le « temps des religions sans Dieu » (années 2000), et non pas seulement en celui de la négation de Dieu (années 1970). Mais croire au « retour des dieux » n’est pas croire « en Dieu », dans une confusion du « sacré » et du « saint » sans cesse à dénoncer. Plutôt que de demeurer dans le leurre d’un nouveau surgissement de la divinité, il convient à l’inverse de reconnaître que l’athéisme et le paganisme confessent l’un et l’autre une même facticité (« angoissante » dans le cas de l’étrangèreté du monde (Être et temps) et « sereine » dans le cas de la familiarité de l’homme et de la terre (« Sérénité » dans Questions III : « Dans le cercle qui unit terre et monde, la finitude humaine est soulignée plus encore qu’elle ne l’était lorsque l’être dans le monde venait seul au thème » 29 Le défi de la facticité n’est donc pas seulement celui de l’habiter, mais aussi et d’abord celui du sens de la christianité. Si la finitude doit certes servir de point de départ à toute démarche d’humanité, à quel titre et à quel prix accepter qu’elle soit visitée sans néanmoins en devenir totalement brisée ? Que la facticité puisse et doive être visitée. Mais la visite cette fois ne se contentera pas du seul topologique, fût-il du « monde » ou de la « terre ». Nous ne sommes pas seulement définis par la facticité, mais aussi par une vocation. Nous sommes donc avant tout un être devant Dieu dont le vis-à-vis fait notre plus grande fragilité. Le liturgique rencontre et subvertit le topologique en cela qu’il critique le monde en « lui ôtant son statut d’horizon par définition infranchissable » 30 La liturgie comme « logique de la rencontre de l’homme et de Dieu » ne vient-elle pas ici briser ce que la clôture de la facticité avait si bien délimité ? Emmanuel Falque commence alors par se demander si la facticité par laquelle il fallait commencer n’est pas par avance condamnée dès lors qu’elle se constate après-coup comme nécessairement entachée par le péché. Notre auteur interroge alors la formule lacostienne selon laquelle « la prière vient après la faute » 31 : celle-ci ne fait-elle pas du salut un simple procès de rédemption et non pas, ou plus du tout, de solidarité ? La neutralité phénoménologique de la facticité est-elle respectée dès lors qu’elle est théologiquement entachée du sceau du péché ? Le monde husserlien de la vie et les existentiaux heideggériens de l’angoisse et de la sérénité sont-ils nécessairement pécheurs, fût-ce à leur insu, dès lors que leur facticité n’est pas visitée ? Or c’est dans Le monde et l’absence d’œuvre de Jean-Yves Lacoste (2000) qu’Emmanuel Falque trouve le lien original de l’« initial » non pas à l’« originaire » seulement (protologie), mais au terminal (eschatologie). Alors que Note sur le temps (Lacoste, 1990) semblait condamner la finitude au péché dans sa distinction protologique du monde et de la création, Le monde et l’absence d’œuvre (2000) tente de restaurer une positivité cette fois eschatologique à la finitude comme telle, faisant du désir une dimension présente, mais non pas nécessairement consciente, de notre facticité ou de notre être au monde tout court. Le lien de l’initial au protologique une fois interrogé (création et monde), ainsi que celui du commencement à l’eschatologique (désir et finitude), reste maintenant à questionner le sens de l’irruption de l’Absolu comme tel, dès lors que l’on croie, et que l’on accepte, que la facticité en vienne à être visitée. « Franchir la clôture de notre expérience » 32, « briser les limites de l’existential » 33, voire en appeler à une « rupture d’inévidence » 34 n’est-ce pas disjoindre ce qui, au départ, avait été lié (la relation de continuité entre l’homme et Dieu, au moins dans le mystère d’une incarnation qui ne peut que les rassembler) ?
Rien n’empêche que certaines choses aperçues par la raison puissent l’être aussi par la révélation, qui impose donc au moins un certain « recouvrement » de la théologie naturelle et de la théologie révélée. Un tel constat ne réduit pas Dieu aux dimensions de l’homme (réduction anthropologique), ni aux dimensions du monde (réduction cosmologique), voire du lieu (réduction topologique), mais consacre Dieu lui-même comme celui qui fait le choix, dans son incarnation et dans sa kénose, de prendre les dimensions de l’homme, du monde et du lieu pour se communiquer à nous (réduction kénotique de Dieu vers l’homme). Ce n’est pas nous qui « rabaissons » philosophiquement Dieu à notre finitude dans la prétention démesurée de le mesurer, mais lui qui s’y abaisse kénotiquement dans le désir de s’y mesurer, et ainsi de nous y rejoindre pour la transformer. La métamorphose de la résurrection dans la liturgie (« logique de la rencontre de l’homme et de Dieu ») n’est ni brisure, ni cassure, ni rupture, fût-ce pour toujours mieux faire apparaître la gloire de Dieu. Elle est aussi et surtout assomption et conversion d’une limite donnée à l’homme au départ en tant qu’être créé, assumée par Dieu jusqu’à la fin et en lui radicalement transformée. Ainsi, le « tuilage et la conversion de la philosophie par la théologie » évite de trop vite prendre congé du philosophe avec toute la reconnaissance qui lui est due 35 Le philosophe en réalité jamais ne quitte le théologien mais toujours l’accompagne dans sa propre quête, « si tant est que c’est un honneur et non pas un esclavage pour le philosophique, affirme Emmanuel Falque, que d’être exhaussé au rang du théologique, non pas pour s’y rebeller mais pour le servir dans son ordre qui lui est propre » 36 : « La sagesse a dépêché ses servantes sur les hauteurs » souligne le livre des Proverbes (Prov. 9, 3), et commente saint Thomas d’Aquin 37 Reste alors, pour Emmanuel Falque « l’essentiel, ou à tout le moins le plus original et le plus phénoménologique » 38, à savoir « l’expérience de l’inexpérience » qui dans une phénoménologie de la nuit (la veille et l’obscurité), une esthétique du corps (la fatigue et l’ennui), et un éloge du fol (le fol et le fou), confère à l’expérience liturgique sa dimension proprement descriptive, interdisant à la fois de réduire Dieu au « là » de nos églises et de faire du vécu de nos expériences la norme de sa propre vie.
Ainsi, selon Emmanuel Falque, dans notre plus haute possibilité qu’est la liturgie elle-même, la grande leçon de Jean-Yves Lacoste revient à ne jamais mettre la main sur Dieu, ou à s’interdire de réduire Dieu à nos propres expériences en cela précisément que la liturgie déploie d’abord « une logique de l’expérience ». Rien n’est en effet plus dommageable à Dieu comme à l’homme, selon Jean-Yves Lacoste, que d’enserrer le divin dans les frontières de l’humain, à moins que ce ne soit le choix de Dieu lui-même que de circonscrire kénotiquement les limites de notre humanité. La « non expérience » et le « non événement » de Dieu signent pour nous aujourd’hui son « non lieu » (au sens géographique de son impossible tenue dans un topos, et au sens juridique de sa non accusation dans un instant « t » du temps. Chez Jean-Yves Lacoste, le non lieu de la topologie se double d’un non temps de l’eschatologie. Présence et parousie y insiste au point d’en faire le cœur de sa réflexion : « La liturgie n’est pas une école de l’expérience religieuse », et la présence sacramentelle nous enseigne non pas à nous débarrasser du présentifier comme tel, mais à étendre le mode de la présence « au-delà du seul présent » 39. La tension du « déjà-là » et du « pas encore »interdit donc de mettre la main sur ce qui jamais complètement n’est donné, et Dieu de façon prioritaire. L’homme n’est pas seulement un « être dans » ou un « être là », souligne Expérience et Absolu, mais d’abord et principalement, un « entre deux » (pris dans l’écart des biens eschatologiques déjà concédés et des biens eschatologiques qui ne relèvent encore que d’une économie de la promesse). Indépendamment de toute expérience religieuse, et comme pour rejoindre l’homme « tout court », les quelques pages sur le « phénomène de l’aise » semblent pour conclure le suggérer : « alors que la liturgie anticipe le Royaume, il faut alors dire que l’aise nous rend la création. » 40 Loin de l’angoisse dont rien n’assure qu’elle soit seulement et à juste titre la prime expérience, le phénomène de l’aise marque en effet une sorte de « tierce logique du lieu » entre la sécularité (être au monde) et la sacralité (habitant sur terre). L’homme, « à l’aise dans l’existence » fait aussi et parfois l’expérience ici-bas, fût-ce en simple prémisse du royaume, d’un certain « entre deux » du bien être là. Sans détruire le temps, cette tierce temporalité ni de l’angoisse ni de la joie mais du simple « bien être là », le suspend cependant, et consacre l’instant comme un moment de dépendance, voire de jouissance, de mon être créé comme tel.
Dans L’événement et le monde Claude Romano inverse le sens de ce que Husserl dit au § 16 de ses Méditations cartésiennes (« Le début, c’est l’expérience pure et, pour ainsi dire, muette encore, qu’il s’agit d’amener à l’expression pure de son propre sens. ») 41. Il ne suffit pas de décrire l’expérience pour en tirer sa signification, fût-ce dans un vécu de conscience (Husserl) ; encore faut-il faire de son expression le lieu même d’une expérience. L’expression du sens de l’expérience (l’événement) est ainsi toujours une expérience de l’expression (la compréhension) : « événement de l’expérience dans l’avènement de sa compréhension vont de pair chez Claude Romano », dit Emmanuel Falque. 42 Aussi l’herméneutique n’est-elle pas « greffée » (Ricoeur) ou « dérivée » (Marion) de la phénoménologie, mais elle appartient à son essence même. Le concept d’expérience sert ici de lien et de lieu de source de l’herméneutique et de la phénoménologie, de sorte que ce qui se donne à pense à la fin de L’événement et le monde en constitue en réalité le principal fil conducteur. Claude Romano ouvre ainsi une nouvelle philosophie : l’interprétation de l’être humain qui est mise en œuvre le définit non pas comme « animal politique » (Aristote), ni comme « chose qui pense » (Descartes), ni comme Dasein (Heidegger), mais comme celui à qui il peut arriver quelque chose, seul « capable » d’événements. L’advenant (celui qui peut advenir à soi à partir de ce qui lui advient), s’oppose donc au sujet au sens classique du terme, déterminé ici comme celui à qui aucune chose ne peut arriver. La phénoménologie de l’expérience fera alors découvrir l’herméneutique de l’advenant qui y est contenue, dont le tragique de l’aventure, jusque dans la mort et le désespoir, ne se laissera pas totalement réduire par la merveille du naître. Or, selon Emmanuel Falque, « on pourrait craindre que le déploiement des événementiaux à la lumière de la naissance comme événement originaire n’occulte la question du statut des « existentiaux à partir de la mortalité », et ainsi ne plus tenir compte de ce que Jean-Yves Lacoste, à la suite de Martin Heidegger, a nommé la « facticité ». Une herméneutique phénoménologique de l’advenant naissant ne devra pas faire l’impasse sur le déploiement événemential de notre être-là mourant, au risque de perdre dans un irénisme des origines (la naissance) ce que l’insistance heideggérienne sur la fin (la mort) avait pourtant indiqué de façon insigne. » 43 Si l’oubli du naître semble bien constitutif du Dasein, l’occultation du mourir ne deviendrait-elle le point aveugle de l’advenant entièrement et seulement déployé depuis son origine ? Si tel n’est pas le cas, Emmanuel Falque interrogera néanmoins le sens et le statut de l’advenant au regard de son ouverture au mystère de la mort. Pour Claude Romano, l’analytique existentiale de Martin Heidegger est tout entière orientée vers la mort, et oublie la naissance. La naissance, nous dit-il, n’y reçoit pas sa place. Si la chair manque déjà son objet dans Être et Temps, c’est peut-être en cela que Martin Heidegger oublie l’événement de la naissance. Si Heidegger parle de l’événement dans Être et Temps, (§ 52), pour Claude Romano, il le réduit, le ravale au rang de simple fait intramondain, dont le mode d’être est la subsistance. Paradoxalement, le Dasein non impliqué dans une événementialité prendrait fait et place de la figure de Dieu dans la théologie classique : autarcie d’une part en ce que sa clôture à l’égard de l’événement reproduit l’autarcie radicale de la substance, et impassibilité de l’autre en cela que le monde est toujours mon monde et la mort ma mort, comme des modes d’être de mon existence toujours déjà prédéterminés par moi. Dès lors que la pensée dépend de soi et ne dépend que de soi, et que donc la mort seule se donne à surmonter dans l’authenticité du Dasein et jamais la naissance (on pourra se donner la mort et jamais la naissance, aucune événementialité ne saurait se produire à moins d’en sortir, plutôt que d’inverser, du champ dans lequel l’événement s’était laissé enfermer : « La naissance nous autorise et nous convie à penser l’aventure humaine sur un autre « fondement » que l’analytique du Dasein. Nous appellerons cette interprétation de l’advenant au fil conducteur de l’événement : « herméneutique événementiale » 44 Au cœur d’une telle herméneutique événementiale se renouvelle le sens de l’expérience. Ou plutôt, c’est en forgeant une autre conceptualité de l’expérience que se justifie ce véritable « infléchissement de méthode » que produit l’herméneutique lorsqu’elle devient elle-même phénoménologique. Si l’expérience sert de lien et de lieu source de l’herméneutique et de la phénoménologie, c’est en cela que la traversée de soi comme un pathos exposé au tout autre affecte aussi l’acte de comprendre. Ainsi, Emmanuel Falque nous dit que « la compréhension elle-même est pathétique, en cela qu’elle fait partie intégrante de la montrance pour suivre le mot de Claudel, et de la manifestation du phénomène à toute fin de me transformer moi-même. » 45 L’expérience du comprendre de l’événement (phénoménologie) n’est en effet rien en dehors du se comprendre de l’advenant (herméneutique). L’événement ne peut apparaître comme tel que s’il survient à quelque chose ou à quelqu’un. « Dans cette herméneutique phénoménologique renouvelée à partir du nœud de l’expérience, la modification du cercle herméneutique, nous dit Emmanuel Falque, devient la condition sine qua non d’une définition de l’herméneutique comme phénoménologie, et d’une détermination de l’aventure de l’advenant comme herméneutique. » 46 Dire et penser l’identité de l’herméneutique et de la phénoménologie revient à retourner vers l’expérience pure, et pour ainsi dire muette encore, qu’il s’agit d’amener à l’expression pure de son propre sens. Ainsi, Emmanuel Falque montre qu’ici l’expression pure de l’herméneutique sera en effet traduction de l’expérience pure de la phénoménologie dans l’unique mesure où elle répondra, point par point, au typer d’expérience qu’elle est censée énoncer. Notre auteur va interroger cette herméneutique prélinguistique et préconceptuelle chez Claude Romano : « La compréhension est l’attitude première, préalable à tout autre, dans laquelle l’advenant se tient constamment et par laquelle, à tout moment, il se rapporte à ce qui arrive : comportement pré-reflexif et pré-théorique indissociable de la manière dont il ne cesse de s’advenir, et sur le fondement duquel, toute théorie expresse peut s’édifier. Prélinguistique et préconceptuelle, une telle compréhension, même si elle ne s’accomplit que dans et comme parole, précède dont toute formulation et toute élaboration conceptuelle thématiques du sens des phénomènes qu’elle vise. » 47 La déclaration de principe s’entend, mais elle attend encore son élaboration. Que dire en effet, du silence de la « traversée de l’expérience », quand la parole en moi sinon la tue, au moins la dénature et la met à distance ? Quand il s’agit de « parler », ce n’est pas de prose philosophique dont il est d’abord question, mais du double silence avant et après la parole, de l’acte poétique et de l’infans ou du sans parole prenant la parole moins pour traduire ce qu’il possède déjà que pour mieux le posséder encore : « L’acte linguistique est compris comme une épreuve de la parole et de ses ressources propres, qui ne requiert aucune « traduction » de pensées originairement muettes, mais se place, dès le départ dans l’élément du sens. » 48 Parler est une épreuve de soi. De même que l’herméneutique est une phénoménologie puisque la compréhension est elle-même « instruction par la souffrance », de même la phénoménologie est-elle une herméneutique puisque l’expérience prélinguistique ou préconceptuelle n’appartient pas à la chair seulement, mais à l’acte de langage comme tel. Il y a paradoxalement du « préconcept » et du « prélinguistique » au cœur du langage lui-même, mais seul le montre de façon la plus pure la littérature (d’où les nombreuses références de Claude Romano aux écrivains, et notamment à Faulkner, Proust, Rilke, Kafka, Beckett…) Pour comprendre phénoménologiquement, il s’agit donc de se comprendre herméneutiquement, d’être impliqué dans l’aventure : l’événement est toujours adressé, de sorte que celui à qui il advient est impliqué lui-même dans ce qui arrive. L’identification sans confusion ni séparation de la phénoménologie et de l’herméneutique, dans une même expérience d’épreuve de soi et dont le langage n’est qu’un des modes, ressort cette fois de l’advenant dont l’aventure même est herméneutique. L’herméneutique est phénoménologique, et la phénoménologie est herméneutique, en cela que l’acte de comprendre n’est pas seulement une « modalité de l’exister du Dasein » comme son horizon le plus propre (Heidegger), mais un ouvert à de « l’autre » toujours irrecevable tant que je n’accepte pas de me laisser transformer moi-même par cela même qui advient. Cette implication de soi sur la scène du monde que nous sommes nous-mêmes, en tant qu’exposition au tout autre (l’événement), exige de la conduire maintenant jusqu’à l’expérience des limites de l’expérience elle-même, rejoignant ici la limitation, là où l’expérience de la foi coïncide entièrement avec la fin de l’expérience (la mort, la souffrance et le désespoir). C’est probablement en cela que la phénoménologie est herméneutique (vivre comme se comprendre) et que l’herméneutique est phénoménologique (se comprendre comme un mode du vivre exposé à l’autre). Les événementiaux prennent le relais des existentiaux, dont le retour vers la naissance comme événement originaire et paradigmatique pour l’advenant n’occulte pas cependant la souffrance et la mort, comme sa destinée la plus propre, autant que transformante pour sa propre nature. Le statut paradigmatique de la naissance aurait pu faire croire à l’oubli de la souffrance et de la mort, dans un irénisme des origines qui ne mesure plus le poids de la fin. Mais tel n’est pas le cas. Claude Romano revient et énonce le tragique de la mort, et cela même qui est à transformer : le sujet dans sa rencontre originaire avec l’altérité – ce qu’Emmanuel Falque nomme, quant à lui, la finitude dans son poids insupportable et insurmontable pour l’homme. Naître apparaît ainsi « inassumable » pour celui qui en subit l’épreuve non pas en cela qu’il aurait à assumer sa naissance, mais par là même que cette impossibilité et incapacité à se donner la naissance, comme parfois on se donne la mort, nous rappelle à notre passibilité fondamentale dans notre dépendance originaire à autrui : « Dans l’événement de la naissance, autrui déjà se déclare. » 49 L’événemential de la « rencontre » prend alors un sens original lorsqu’il est étudié à l’aune de la naissance. Dans la perspective de Claude Romano, la rencontre est surtout co-naissance (Claudel) – naissance à soi et au monde d’autrui, de sorte que le monde de l’autre se donne toujours pour moi comme un autre monde auquel moi-même aussi j’ai à me laisser engendrer. Dans cette perspective, ma mort n’a pas plus de valeur que la mort de l’autre. L’expérience la plus ordinaire, c’est-à-dire l’épreuve de soi la plus propre et pourtant partagée par tous, le fait voir : mourir n’est pas d’abord mourir soi-même dans son être projeté au monde (Dasein), mais mourir à soi-même (advenant) dans la mort de celui qui est mort (autrui) : « le deuil est ce mourir à … autrui qu’endurent ceux qui restent, souligne Claude Romano, en s’appuyant sur Marcel Proust, et le chagrin d’Albertine disparue, ce « mourir à celui qui est mort » 50 Bernard de Clairvaux en fit lui-même l’expérience dans son Sermon 26 sur le Cantique prononcé quelque temps après la mort de son frère Girard, dans un texte qui, selon Emmanuel Falque, est plus apte à éclairer cette « double mort » (à soi et à autrui) dans l’expérience de la mort de l’autre – et rendant définitivement caduque l’absolu primat de ma propre mort sur la mort d’autrui : « Oui vraiment, c’est la mort qui, en enlevant l’un de nous (unum), dans sa fureur a fait périr les deux (duos). N’est-ce pas la mort pour moi aussi ? Et même, bien davantage pour moi ; car la vie qui m’est laissée est plus triste que toute mort. Je ne vis que pour mourir vivant : et cela, l’appellerais-je une vie ? » 51. La naissance, la rencontre et le deuil (événementiaux tous dérivés de l’originaire dépendance à autrui dans l’événementialité bouleversante de son avènement vers moi) conduisent déjà, et interdisent le naïf émerveillement devant l’acte de naître pour celui qui n’aurait pas véritablement souffert. Remonter vers le naître est donc aussi en même temps descendre vers le mourir, dans une phénoménologie de l’expérience allant jusqu’à interroger la suppression de l’expérience elle-même, dans l’anéantissement de l’advenant qui précisément expérimente. Une radicalisation progressive de l’aventure de l’advenant se joue progressivement au cours de L’événement et le monde, jusqu’à s’achever sur une analytique événementiale de la mort et du désespoir qui en constitue selon Emmanuel Falque la véritable fin (celle de notre existence, et celle du livre lui-même).
Ainsi la phénoménologie de l’expérience nouée et presque identifiée à une herméneutique de l’advenant ne fait pas l’impasse sur le tragique de l’aventure quand elle propose de faire de la naissance une sorte de paradigme. Emmanuel Falque reconnaît en Claude Romano un auteur qui « s’est risqué lui-même à sa propre exposition », il rend hommage à son courage, à sa force, à son expérience audacieuse. Mais Emmanuel Falque fait aussi son miel des conséquences théologiques et christologiques d’une telle herméneutique événementiale de la naissance. Elle donne à notre auteur l’impulsion de faire de la naissance le relais de l’existential de la mort pour dire ce qu’il en est de la résurrection, dans le cadre d’un christianisme interrogé philosophiquement. Reste cependant un écart, et une question, entre la Métamorphose de la finitude et L’événement et le monde : qu’en est-il du statut de la finitude de l’advenant lui-même ? Certes une faillibilité originaire (Ricoeur) constitue le sujet sinon assujetti, au moins entré dans un processus de subjectivation par lequel il se transforme par cela même qu’il reçoit sans jamais pouvoir combler le retard sur sa propre origine : « sa finitude réside alors, pour l’advenant, en ceci que, toujours déjà jeté hors de son origine, et ne pouvant jamais coïncider avec elle, il reçoit son sens d’ailleurs que son aventure et, dans cette mesure même, est livré à un destin » 52 Mais Emmanuel Falque se demande si la béance de l’événement de naître dans son ouverture, par son exclusion du mourir dans sa fermeture, suffit à peser le poids de la finitude comme telle : « L’analytique événementiale de la mort comme ouverture à un « mystère », elle-même relue à la lumière du mystère de l’ouverture qui est la naissance même, ne libère-t-elle pas Sisyphe de son fardeau à trop bon compte ? » 53 L’altérité est-elle l’unique figure de la faillibilité ? Ne faut-il pas d’abord, et au moins du point de vue heuristique plutôt que didactique, poser l’horizon radicalement bouché de notre existence dont un événement aussi incroyable qu’objet de foi, puisse et vienne le métamorphoser : la Résurrection elle-même ? Si l’ipséité est « métamorphose », capacité de changement ou pouvoir de se renouveler, Dieu lui-même comme figure de la Métamorphose, désigne en propre, aux yeux d’Emmanuel Falque, l’ipséité paradigmatique de l’advenant et de l’événement lui-même : « Je suis la Résurrection » (Jean 11, 25). Emmanuel Falque veut le penser dans une radicalisation de la finitude qui fait que « la résurrection change tout ». Aux yeux de notre auteur, l’herméneutique événementiale trouve ses sources cachées dans la théologie.
La philosophie mène ainsi une sorte de « combat amoureux » entre les penseurs qui est celle de la chose même : une lutte pour exister et se trouver, et non pas une guerre pour vaincre et écraser. Les penseurs avec qui ce combat eut lieu ont ouvert des brèches dans la pensée d’Emmanuel Falque. Un « renard » (Jean Greisch) et un « hérisson » (Emmanuel Falque) viendront en final se rencontrer – moins cette fois pour se disputer que pour dévoiler chacun sa spécificité, dans l’amitié reconnaissante des longues années d’amitié qu’ils ont partagées. Parmi les philosophes, les uns seraient des « hérissons » qui ramènent tout à une seule et même idée directrice, et les autres seraient des « renards », qui poursuivent plusieurs idées en même temps. Et « pour le meilleur et pour le pire, confie Jean Greisch, j’appartiens plus à la race des renards qu’à celle des hérissons ». 54 Emmanuel Falque se reconnaît, à l’inverse, plutôt hérisson ou « cyclope de la pensée » que « renard » appartenant à « l’urbanité des penseurs ». Non contents de poursuivre plusieurs idées en même temps ou de satisfaite un quelconque besoin d’incessants échanges transdisciplinaires, Emmanuel Falque veut, de façon obstinée, reconnaissons-le, tout ramener à une seule idée directrice ou « braquer un unique œil terriblement brillant sur l’ensemble des phénomènes » 55 Mais à force de fréquenter Jean Greisch, le renard, l’envie a pris à notre hérisson (Emmanuel Falque) de jouer le renard et de courir çà et là, fût-ce au prix de la perte de quelques épines : « Ainsi le hérisson s’est-il mis, en particulier dans le présent livre à l’école du renard, ne se satisfaisant pas seulement de creuser son seul sillon, nous dit Emmanuel Falque, mais allant aussi ici et là pour glaner autant d’idées par lesquelles il en viendra à décider. » 56 Loin de soupçonner le renard de multiplier les discours historiques pour éviter d’affronter les choses mêmes, le hérisson verra au contraire à sa suite combien le retour aux choses (phénoménologie) dépend aussi du discours sur les choses, et donc de leur interprétation (herméneutique). Mais le partage des tâches, voire des types ou des fonctions, ne suffit pas en philosophie. Les métamorphoses sont parfois plus importantes que tous les paradigmes. « Tapi dans son terrier et comme enroulé dans sa boule, le hérisson traquera ainsi les va-et-vient du renard » 57
Dans son combat avec le renard, notre hérisson montre que, pour lui, il est possible de penser une compatibilité d’une philosophie de la religion avec l’athéisme existential et la finitude comme telle : « un autre et nouveau champ paraît à nouveau ouvert, nous dit-il, appuyé cette fois, et très exactement, sur cette stricte clôture de l’être-là (Heidegger ou Foucault) plutôt que sur l’être faillible toujours en attente d’une altérité déjà présupposée (Levinas ou Ricoeur). » 58. Emmanuel Falque se demande en effet si l’on peut mener à terme une philosophie de la religion sans requérir « à la limite » et « à sa limite ». La nécessaire et légitime distinction des disciplines philosophiques et théologiques dans leurs points de départs (quête de l’homme ou révélation de Dieu) doit rendre néanmoins possible, aux yeux d’Emmanuel Falque, ce qu’il appelle « une nouvelle unité de leurs points d’arrivées ou de recoupements – au moins en christianisme dans la figure de l’homme-Dieu (philosophe et théologien) » 59 C’est à l’appui de Charles Péguy, et plus particulièrement dans son Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle qu’Emmanuel Falque signifie explicitement sa thèse, celle d’envisager une autre approche philosophique de l’expérience religieuse, dans ce que le poète nomme précisément « ce point de recoupement, ce rencontrement merveilleux, unique et temporel dans l’éternel, et réciproquement de l’éternel dans le temporel, du divin dans l’humain et mutuellement de l’humain dans le divin. » 60 Il s’agit donc d’une philosophie de l’expérience religieuse et non plus d’une philosophie de la religion. Quand bien même Jean Greisch « choisit son camp », comme dit Emmanuel Falque, ce dernier lui reconnaît cependant d’avoir envisagé cette autre approche dans Le Buisson ardent 61 Vivant en chrétien, Emmanuel Falque, comme Maurice Blondel avant lui, cherche comment il doit penser en philosophe. Car on ne peut davantage se satisfaire de vivre en chrétien et de penser en philosophe dans un vis-à-vis avec la théologie. Encore faut-il aussi, et inversement, penser en chrétien en vivant en philosophe. Emmanuel Falque nous le rappelle de manière exigeante et vraie. Et pour lui, cela signifie avant tout qu’il faut oser prendre en charge les concepts proprement théologiques (penser en chrétien) et faire de leur traduction philosophique (disant précisément ce qu’il en est de l’homme), un mode d’être de notre humanité tout court (vivre en philosophe). Cette philosophie de l’expérience religieuse qu’Emmanuel Falque nous propose est une autre voie, une autre manière d’être philosophe Et cette voie ne s’ouvre pas contre mais à côté d’une philosophie de la religion. Et s’il revient au renard d’avoir ouvert la philosophie de la religion, il revient au hérisson d’avoir pensé une possible réactivation de la philosophie de l’expérience religieuse.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 227.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 228.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 228.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 229.
- M. Henry, Incarnation, une philosophie de la chair, Paris, Seuil, 2000, p. 216 & p. 179.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 230.
- Tertullien, De carne Christi, trad. française : La chair du Christ, Paris, Cerf, coll. « Sources chrétiennes » n° 216, VI, 3, p. 235.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 232.
- Tertullien, De carne Christi, trad. française : La chair du Christ, Paris, Cerf, coll. « Sources chrétiennes » n° 216, VI, 3, p. 235.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 236.
- J.-L. Chrétien, Sous le regard de la Bible, Paris, Bayard, 2008, chap. II, p. 17-36 : « Se laisser lire avec autorité par les Saintes Écritures ».
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 240.
- Jean Scot Érigène, Commentaire sur l’Évangile de Jean, XXVII, 304D-305A.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 247.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 255.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 256.
- J.-L. Chrétien, L’arche de la parole, p. 8.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 256.
- Irénée, Contre les Hérésies, Paris, Cerf, 1984, V, 15, 3, p. 615.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 257.
- M. Jousse, La manducation de la parole, Paris, Gallimard, 1975, p. 152-161 : « L’Insufflage de l’Adâm-Terreux ».
- Irénée, Contre les Hérésies, Paris, Cerf, 1984, V, 8, 2, p. 588.
- Tertullien, La résurrection des morts, Paris, DDB, 1980, II, 5, p. 43.
- Tertullien, La chair du Christ, Paris, Cerf, SC n° 216, 1975, ch. VIII, 5-6, p. 251.
- Thomas d’Aquin, Somme théologique (Cerf) Ia, q. 51, a. 2.
- Thomas d’Aquin, Somme théologique (Cerf) Ia, q. 51, a. 2, resp. et ad. 1, p. 520.
- Tertullien, La chair du Christ, chap. IV, 3, p. 223.
- E. Falque, Le Combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, p. 261.
- J.-Y. Lacoste, Expérience et absolu, p. 17.
- J.-Y. Lacoste, Expérience et absolu, p. 31.
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- J.-Y. Lacoste, Le monde et l’absence d’œuvre, p. 128.
- J.-Y. Lacoste, Expérience et absolu, p. 132.
- J.-Y. Lacoste, Expérience et absolu, p. 25.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 283.
- Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique Ia, q. 1, a. 5, sed contra (et ad. 5).
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 283.
- J.-Y. Lacoste, Présence et parousie, p. 33.
- J.-Y. Lacoste, Le monde et l’absence d’œuvre, p. 22.
- Husserl, Méditations cartésiennes, Paris, Vrin, 1980 § 16, p. 33.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 298.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 299.
- C. Romano, L’événement et le monde, p. 34.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 308.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 309.
- C. Romano, Au cœur de la raison, la phénoménologie, chap. XXII, p. 873-906. « L’herméneutique authentique est une phénoménologie et la phénoménologie ne s’accomplit que comme herméneutique. » p. 874
- C. Romano, L’événement et le monde, p. 222-223.
- C. Romano, L’événement et le monde, p. 109.
- C. Romano, L’événement et le monde, p. 138.
- Bernard de Clairvaux, Sermons sur le Cantique, Paris, Cerf, 1988, t. II, SC n° 431, Sermon 26, 4, p. 285-287
- C. Romano, L’événement et le monde, p. 103.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 322.
- J. Greisch, Le Buisson ardent et les lumières de la raison, tome I, Paris, Cerf, coll. « Philosophie et théologie », 2002, I, 8 (avec note 2).
- J. Greisch, Le Buisson ardent et les lumières de la raison, tome I, Paris, Cerf, coll. « Philosophie et théologie », 2002, II, 366.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 327.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 317.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 338.
- E. Falque, Le combat amoureux. Disputes phénoménologiques et théologiques, Paris, Hermann, coll. De visu, p. 339.
- C. Péguy, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Pléiade, 1992, p. 675.
- J. Greisch, Le Buisson ardent et les lumières de la raison, tome I, Paris, Cerf, coll. « Philosophie et théologie », 2002, I, p. 34.