Qu’appelle-t-on penser? La pensée est-elle un acte? Une action? Pensée et conscience vont-elles de pair? Toute pensée est-elle consciente? Personnelle? Subjective? Immanente? Le sujet de la pensée est-il psychique ou corporel? Unique ou multiple? Âme ou esprit? Esprit ou corps? Avec ce troisième tome commence, scandé par les interventions successives de l’Université (condamnations parisiennes de 1277) et du Magistère (concile de Vienne, 1312, et de Latran V, 1513), la relation d’un débat de plus de cinq siècles sur l’aptitude de l’homme à revendiquer le statut de sujet-agent psychique. Tout gravitant autour d’Aristote et de Descartes, on monte vers ce dernier en historiens du Moyen Âge et descend vers lui en archéologues de la modernité – d’où l’image de l’escalier à double vis. La description heideggérienne du « moment » cartésien de l’invention de la subjectivité ne suffisant pas à décrire le passage à la modernité, dans la mesure où elle ne livre que l’histoire allemande, idéaliste, transcendantale, bref « kantienne » de l’invention du sujet, on s’attache à l’autre source de la modernité en psychologie et philosophie de l’esprit : empiriste, autrichienne (Brentano), mais aussi anglaise (Locke) et écossaise (Reid, Hamilton). L’Acte de penser comporte donc deux volumes. La Double révolution va d’Aristote à Reid, avec Averroès, Siger de Brabant, Thomas d’Aquin et Olivi. L’Empire du sujet revient au Moyen Âge à partir de la modernité.
Alain de Libera est professeur au Collège de France où il occupe la chaire d’histoire de la philosophie médiévale.