Ce livre porte sur une œuvre fascinante qui n’appartient à aucun genre, ou plutôt à tous : les Petites Œuvres morales de Giacomo Leopardi (1798-1837).
Le poète italien y développe sa réflexion philosophique en vingt-quatre petits chapitres : récits mythologiques, scènes de comédie, portraits et apologues, pastiches et dialogues philosophiques. Il interroge l’effrayant mystère du mal, dont le désir est la cause et qui détruit en retour le désir. Dans le monde moderne où la raison a tout rabaissé, ce désir n’a plus d’ailes : il végète dans la sphère étroite et morne des intérêts privés, et ne survit qu’en se berçant de lâches croyances au progrès.
Contre ces illusions délétères, Leopardi raille l’insignifiance humaine. En tentant de comprendre le malheur, la raison s’effraie néanmoins de ce qui résiste à toute compréhension : au rire succède alors la protestation du sens, et face au mal renaît l’envie de résister. Mais, pour avoir le courage de rire sans perdre le courage de désirer, il faut, autant que possible, contenir la puissance destructrice de la raison, porteuse de non-sens et de néant.
Comment faire refleurir l’illusion de la vie dans les ruines désertiques du sens ? Peut-on, en recourant aux mots et à l’écriture, fût-ce au miracle d’une prose poétique, redonner ce goût de la vie qui ne s’éprouve que dans la vie nue, immédiate, en deçà des mots et de l’écriture ?