L’animal impose hors de nous et en nous une présence antérieure au rapport réflexif par lequel nous nous saisissons et approprions nous-même. Loin d’être un à-côté accidentel et avant toute figuration philosophique, il incarne cette énergie du donné dans un monde si humainement construit. Il n’est pas vrai que le sujet s’édifie et se vit dans un monde binaire d’objets ou de semblables. Toujours déjà peuplé, diffracté par autant de possibilités réalisées de perception, le monde fut et demeure d’abord animal. Signifiant l’immédiateté à soi et au réel, impliquant et notre identité intime et notre altérité irréductible, troublant départages, oppositions et, de proche en proche, netteté de tous nos concepts, l’animal est cette question inclassable dont l’ubiquité engage à nouveaux frais la philosophie et l’interroge tout entière, tel ce négligé de son histoire l’habitant sourdement mais constamment. Penser l’animal nous contraint à penser autrement et à reconsidérer nos catégories, problèmes et valeurs : la connaissance, l’existence, l’éthique.
Jean-Luc Guichet : Problématiques animales
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