Si l’on parle aujourd’hui de questions d’identité, ce sera souvent pour caractériser des troubles et des crises, voire des conflits passionnés, qui paraissent mettre en cause, au moins aux yeux des intéressés, l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes et de leur dignité. Ces troubles et ces conflits sont alors qualifiés d’identitaires. Un tel usage du mot « identité », qui nous est venu initialement des psychologues avant de s’imposer dans toutes les sciences humaines, est récent. Auparavant, une question d’identité aurait eu le sens trivial d’un « Qui est-ce? ».
Faut-il proscrire le nouvel emploi du mot « identité » en raison des confusions et des errements qu’il provoque? Ce serait envisageable si l’on pouvait renoncer à s’occuper de ce que veulent dire ceux qui ont trouvé dans cet idiome de l’identitaire le moyen de s’exprimer. Mais puisque la difficulté est d’abord celle de notre langage, une solution philosophique s’offre ici : décider que nous n’avons jamais véritablement compris ce que voulait dire l’identité au sens de l’« identitaire », faire comme si nous devions réapprendre cet idiome de l’identitaire en vue ’enrichir notre psychologie morale. Pour cela, il nous faut évidemment partir de notre propre pratique de l’identification référentielle, c’est-à-dire de notre compréhension de l’identité au sens de l’identique?