Penser la démocratie sans demos implique de dénouer le lien solidement établi au XIXe siècle entre les concepts de démocratie et de souveraineté du peuple. Cela, la mondialisation contemporaine ne cesse de nous y inciter. Le procès continu de démocratisation de l’État moderne a été rendu possible par l’individualisation du sujet de droit, elle-même résultat de la destruction des droits particuliers des sociétés d’Ancien Régime par l’action centralisatrice d’un pouvoir de type territorial. Mais en s’imposant comme la seule instance garante des droits, l’État moderne a aussi nationalisé la citoyenneté. Or, il est certain qu’aujourd’hui, l’érosion du monopole juridique et judiciaire de l’État s’accompagne d’une multiplication et d’une hétérogénéité croissante des pouvoirs auxquels les individus peuvent et doivent s’adresser pour obtenir la reconnaissance et la garantie des droits qu’ils revendiquent.
Cette situation nous fait obligation de dénationaliser la citoyenneté sans sacrifier pour autant cette forme spécifique de subjectivité politique qu’est l’individu sujet de droits, sans renoncer par conséquent aux ressources émancipatrices dont cette figure du sujet politique a fait la preuve au cours des deux derniers siècles.
Catherine Tolliot-Thélène : la démocratie sans « démos »
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