L’histoire s’écrit parfois dans les lieux dévolus à l’immémorial; la bergerie de la littérature pastorale est un de ceux-ci. La figure du berger, représentant la fonction royale ou la poésie plus ancienne, n’est jamais mobilisée aux XVIe et XVIIe siècles sans que soit pris en charge le sens de cette immémorialité ou de cette « tradition ». Églogues, prosimètres, tragicomédies, romans sont autant de formes où s’élabore le lien entre écriture, histoire immédiate et position de l’auteur. La « politique considérée comme une affaire de bergerie » (M. Foucault) permet ici de lire les « bergeries » du temps des guerres de Religion, de comprendre le geste qui conduit un Honoré d’Urfé de l’action guerrière aux idéaux courtois des bergers du Forez, de déchiffrer les motifs tragiques ou tragicomiques que la pastorale élabore pendant le « moment libertin » des premières années du ministère Richelieu.
La distance pastorale est l’invention d’un lointain. En rapportant à leurs usages politiques les contenus éthiques de la littérature pastorale, ce livre décrit la bergerie comme un des lieux majeurs de l’expérience de l’histoire propre aux hommes de l’Ancien Régime.
Laurence Giavarini est maître de conférences à l’université de Bourgogne