Plutôt qu’une étude sur la Phénoménologie de l’esprit, cet ouvrage propose une visite complète et commentée du plus imposant et du plus labyrinthique monument de la philosophie moderne.
La Phénoménologie de l’esprit est le premier ouvrage philosophique qui ne présente pas des affirmations sur ce qui est (sur Dieu, sur l’âme, sur le monde), mais qui prétend décrire comment ça se présente à une conscience qui fait l’expérience du monde dans son savoir, et qui voit ce savoir se transformer suivant une logique qu’initialement elle ne maîtrise pas. Autrement dit (sur ce point Fichte avait peut-être été le précurseur), pour Hegel, nous sommes dès notre naissance, dès notre premier regard sur le monde, jetés dans le savoir, et ce que nous avons à faire, chacun de nous, mais cela vaut également pour l’humanité entière, c’est amener son savoir du dedans, de l’intérieur jusqu’à sa formation ultime. ?Il ne s’agit donc pas, comme le faisait Kant, d’examiner du dehors ce qu’est le savoir, jusqu’où il va, sur quoi il porte, etc. ; il s’agit au contraire de voir comment une conscience, jetée dans le savoir sous ses différents aspects (sensation, perception, entendement, raison, moralité, religion…) parcourt tous ces étages du savoir jusqu’à son sommet, jusqu’à ce point d’arrêt que Hegel désigne par l’expression plus ou moins énigmatique de savoir absolu. ?Je ne voudrais cependant pas que vous en tiriez la conclusion que la Phénoménologie de l’esprit est un ouvrage tellement riche qu’il en est désordonné : en fait, la Phénoménologie de l’esprit, même si elle donne au premier abord une impression un peu chaotique, est une œuvre très construite, une œuvre dotée d’une architecture interne que nous nous attacherons à souligner.