Le titre même de l’ouvrage indique sans équivoque que ces recherches veulent s’inscrire dans une certaine tradition phénoménologique, qu’elles entendent cependant questionner avec rigueur. À cet égard, l’œuvre entière de Jacques Garelli permet de poser les jalons d’une approche renouvelée du phénoménologique, qui, tout en respectant l’injonction husserlienne d’un retour aux choses mêmes, tourne définitivement le dos à toute compréhension « idéaliste », soutenue par la traditionnelle dichotomie sujet / objet.
Ainsi, l’époché husserlienne se doit d’être repensée avec une radicalité nouvelle. Le retour à l’originaire s’exprimera alors, non plus dans la mise en évidence d’une conscience constituante, mais dans la redécouverte du monde dans sa dimension la plus originelle, pré-individuelle. La méditation garellienne, qui fait se côtoyer les sphères esthétiques, littéraires, philosophiques, mais également scientifiques, tisse la toile d’une phénoménologie rigoureuse qui peut parfois se montrer déroutante. En effet, le monde de Garelli vient battre en brèche la conception si rassurante d’un univers offert à l’appétit spéculatif d’un sujet assuré et autonome. Dans le sillage du dernier Merleau-Ponty, mais également de Patočka, sa phénoménologie invite le lecteur à prospecter un monde qui reste à créer, à éprouver la présence sourde d’une Terre natale dans laquelle il doit fonder le lieu de son séjour.
Jean-Pierre Carron, né en 1963 à Amiens, possède une double formation scientifique et philosophique