Dans une République aristocratique où l’accès à la parole se trouve réservé aux individus reconnus comme légitimes par le biais des magistratures, l’image que l’orateur projette de lui-même à travers son discours constitue un facteur essentiel de persuasion. Héritiers d’une rhétorique grecque largement inadaptée aux conditions de l’éloquence romaine, les théoriciens latins ne réussiront que progressivement à penser cet aspect de la pratique oratoire en élaborant une catégorie propre à leur environnement politique, social et intellectuel : celle de persona, qui recouvre l’ensemble des qualités attendues de l’orateur.
Tout en rapprochant la doctrine rhétorique et les conditions historiques de sa formulation, cette étude adopte un point de vue comparatiste qui permet de préciser ce qui unit et sépare les doctrines grecques de l’èthos (caractère) et l’analyse de la persona dans la rhétorique latine des années 80 av. J.-C. On peut ainsi rendre compte du processus par lequel une formalisation des exigences éthiques et comportementales qui s’imposaient à l’orateur romain a été peu à peu élaborée, ouvrant la voie à une théorisation complète de la persona oratoire dans les traités cicéroniens de la maturité.
En analysant cette construction progressive de la notion de persona oratoire, cet ouvrage aborde la rhétorique comme le révélateur des représentations politiques, sociales et philosophiques qui prévalaient dans la Rome du I er siècle av. J.-C.
Charles Guérin, ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de lettres classiques, est maître de conférences à l’Université Paul Valéry-Montpellier III.